Nicole Trudeau n’écouter que son courage et surtout ne pas compter son temps

Née avec une rétinite pigmentaire qui altère la vue jusqu’à la cécité, Nicole Trudeau est non voyante. N’écouter que son courage et ne jamais compter son temps, c’est sa règle d’or pour tenter d’atteindre ses objectifs. Entrevue signée Josette Bourbonnais.

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Nicole Trudeau n’écouter que son courage et surtout ne pas compter son temps

Photo de Nicole TrudeauN’écouter que son courage et ne jamais compter son temps, ce pourrait être une pensée applicable à tous les étudiants. Cela prend un tout autre sens lorsqu’on l’applique à Mlle Nicole Trudeau. Ne pas compter son temps, répète-t-elle plusieurs fois au cours de l’entrevue, car justement n’importe quelle recherche, lecture, étude peut lui coûter, à elle, trois ou quatre fois plus de temps qu’à nous. Car Nicole Trudeau est non-voyante, ayant perdu graduellement la vue à partir de l’âge de cinq ans à cause d’une rétinite pigmentaire, et avouant que même quand elle distinguait encore des masses vertes pour les arbres, elle ne pouvait voir la couleur de ses yeux dans un  miroir.

C’est dire qu’elle a fait toutes ses études primaires et secondaires dans une école spécialisée, le pensionnat de Nazareth, où elle a aussi connu, appris et commencé à aimer la musique avant l’adolescence. On y faisait, selon les élèves, jusqu’à quatre heures de musique par jour, selon ses aptitudes et ses goûts et surtout ses objectifs. Nicole, elle savait qu’elle se destinait à cet art et comme l’École de Nazareth avait un département affilié à l’Université de Montréal, le Bac, puis le deuxième cycle, la Maîtrise, ont été pour elle une continuation mais aussi le commencement de ces défis. Un premier défi de taille dans son cas, un séjour de trois ans à Paris. Se diriger seule dans le métro, elle n’a jamais été en faveur du chien-guide, habiter seule en appartement, travailler sans relâche.

Quand on parle d’étudier pour un élève ordinaire, c’est lire, se référer à des volumes, consulter ces notes, pour Nicole et ses semblables, c’est beaucoup plus mémoriser et pour ce faire, se concentrer intensément. C’est aussi, bien sûr, compter sur les autres pour nous lire soigneusement les manuels avec références, citations, guillemets, ponctuation, etc. À ce sujet, elle cite et remercie un ingénieur retraité, M. René Chouteau, qui l’a épaulée longtemps, puis Mme Anne Cusson, veuve d’un aveugle, qui lui a tapé ses textes pendant quatre ans, le Service Converto-Braille, de Hull, pour ses traductions, notamment de sa thèse de 900 pages et enfin la Magnétothèque. Car Nicole Trudeau est aujourd’hui Docteur en sciences de l’éducation avec pour sujet de thèse: «L’éducation musicale à l’école québécoise et à l’école française: ce que nous révèlent les programmes», dernière partie de ses études qui lui a pris près de sept ans. C’est que Nicole qui enseigne à Notre-Dame de-Fatima à St-Lambert, depuis 80 et fut à d’autres écoles de la même Régionale de Chambly depuis 1975, vise un jour à faire des recherches, peut-être aussi à enseigner à un niveau supérieur. Nul doute que cette femme décidée, gaie, soucieuse, élégante, ne fasse encore un bon petit bout de chemin pour aller plus haut, plus loin.

Josette Bourbonnais

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Article publié dans:

Le Dimanche-Matin, 05 juin 1983 / Les invités du dimanche, page B10 / Josette Bourbonnais / Nicole Trudeau n’écouter que son courage et surtout ne pas compter son temps

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