L’éducation musicale et le rapport Parent

L’objectif de ces pages est de rappeler la position du Rapport de la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, dit Rapport Parent, en regard de l’éducation musicale à la lumière de ses 576 recommandations.

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L’éducation musicale et le rapport Parent

Présentation du rapport  

Le Rapport de la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (dit Rapport Parent, du nom de son président)¹, est désormais bien inscrit dans l’histoire de l’éducation au Québec. Il constitue l’un des points de références pour toute personne intéressée à l’éducation dans notre société.

C’est par une loi du gouvernement provincial, loi adoptée et sanctionnée au cours du 1er trimestre de 1961, que fut constituée une commission royale d’enquête sur l’enseignement dans notre milieu. Cette commission a déposé son rapport en trois temps (et cinq volumes) entre 1963 et 1966. La 1ère partie de ce rapport (vol. 1), remise au lieutenant gouverneur en conseil en avril 1963, s’intitule: Les structures supérieures du système scolaire. La 2e partie, présentée en deux volumes et déposée en novembre 1964, étudie Les structures pédagogiques du système scolaire, vol. 2 Les structures et les niveaux de l’enseignement, vol. 3 Les programmes d’études et les services éducatifs. La 3e partie du rapport, finalisée en mars 1966, traite de L’administration de l’enseignement. Elle se présente également en deux volumes: vol. 4 A. Diversité religieuse, culturelle, et unité de l’administration, vol. 5 B. Le financement,  C. Les agents de l’éducation.

Un certain regard  

L’objectif de ces pages est de rappeler, sans doute trop sommairement, la position de cette imposante étude en regard de l’éducation musicale à la lumière de ses 576 recommandations. Un très petit nombre d’entre elles visent directement l’éducation musicale. Ces recommandations, objet de notre propos, sont essentiellement regroupées dans la deuxième tranche du rapport. Les relire, du moins en partie, éclaire l’actuel vécu et étoffe la réflexion.

Le volume 2 du Rapport Parent donne lieu à 192 recommandations sur les structures et les niveaux de l’enseignement. Dix d’entre elles sont centrées sur l’éducation préscolaire. De ce nombre, aucune n’aborde l’aspect artistique de cette éducation. 30 recommandations traitent de l’école élémentaire, mais une seule peut impliquer l’éducation musicale:

«(17) Nous recommandons que le premier cycle de l’élémentaire soit consacré surtout à l’apprentissage des techniques de base: lecture, écriture, calcul, moyens d’expression, et aux éléments de formation civique, morale et religieuse.»²  

40 recommandations visent l’école secondaire. Mais, de nouveau, une seule implique les arts:

«(49) Nous recommandons que, pour acquérir une formation de base complète, tous les élèves de l’école secondaire soient tenus de suivre certains cours dans chacun des principaux domaines du savoir: langues, sciences, arts, technique.»³

Aux chapitres de l’enseignement préuniversitaire et professionnel, de l’enseignement supérieur, de la formation du personnel enseignant, de l’éducation permanente, de l’enfance exceptionnelle, sujets traités dans ce 2e volume, aucune recommandation n’effleure la dimension artistique de l’éducation.

Le volume 3 du Rapport Parent soumet, pour sa part, 210 recommandations sur les programmes d’études et sur les services éducatifs. Un chapitre est alors consacré à la formation musicale et il se termine par l’énoncé de neuf recommandations reproduites ‹in extenso›.(4)

«(221) Nous recommandons que les programmes d’éducation musicale pour tous comportent au moins une période par semaine, au niveau élémentaire et durant les deux premières années du secondaire. 

(222) Nous recommandons que l’on offre, durant les trois dernières années du  cours secondaire, un cours-option ordinaire en musique, de deux périodes par semaine, et un cours-option concentré, de quatre périodes, celui-ci conduisant à un certificat après la 11e année. 

 223) Nous recommandons que l’on intensifie, par cours d’été et, dans les villes, par cours du soir et de fin de semaine, pour les enseignants de l’élémentaire, l’initiation aux méthodes Ward, Orff-Bergese, Martenot ou à toute autre méthode reconnue par l’UNESCO et par les congrès internationaux. 

(224) Nous recommandons que l’on exige, le plus tôt possible, que l’enseignement musical au niveau secondaire soit donné par des licenciés, ou par des titulaires du brevet d’aptitude pédagogique du Conservatoire.

(225) Nous recommandons que l’on favorise, par des bourses, le recrutement et la formation du personnel enseignant nécessaire pour l’enseignement de la musique. 

(226) Nous recommandons que les cours-options en musique soient offerts uniquement dans des institutions bien équipées en personnel, en salles de musique et en instruments.

(227) Nous recommandons que l’on confie la responsabilité de l’enseignement musical, jusqu’après la 13e année, à un organisateur provincial de l’enseignement de la musique, au ministère de l’Éducation, dont le mandat sera de trois ans, renouvelable.

(228) Nous recommandons que l’organisateur provincial de l’enseignement musical soit assisté par un comité consultatif composé d’un nombre égal de spécialistes de l’enseignement supérieur, de l’enseignement secondaire et de l’enseignement élémentaire.

(229) Nous recommandons que le Conservatoire de musique de la province soit rattaché au ministère de l’Éducation.»(5)

 En plus de ces recommandations spécifiques, il peut être intéressant de relire également deux autres recommandations, de portée plus générale, mais ayant inévitablement des incidences sur la formation musicale.

«(193) Nous recommandons que la proportion de l’horaire, dans l’ensemble des études, qui sera consacrée: a) aux arts et aux disciplines de l’expression, b) aux sciences de la nature et de l’homme, c) aux disciplines de synthèse et au développement global de l’élève, soit déterminée par le service d’orientation en fonction des aptitudes et des goûts de l’enfant et de la carrière vers laquelle  il se dirige.»(6)

«(332) Nous recommandons que la réforme des programmes d’études repose sur les principes suivants; a) les programmes d’études doivent être révisés régulièrement en fonction du progrès rapide des connaissances; b) les programmes d’études doivent être adaptés aux capacités et aux aptitudes de l’enfant, selon les données les plus récentes de la psychologie et de la pédagogie expérimentales; c) la réforme des programmes d’études doit s’alimenter à diverses sources, favoriser l’initiative des maîtres et faire appel à leur expérience; d) les nouveaux programmes doivent être expérimentés avant d’être généralisés.»(7)

Des recommandations à l’application et à l’évaluation  

Le Rapport Parent a eu un impact considérable sur l’éducation au Québec. Les réactions aux recommandations des commissaires et aux conséquences qu’elles ont eues et qu’elles ont encore sont innombrables, pour ne pas dire illimitées. De ce nombre nous ne relèverons, en guise de conclusion, mais aussi de fer de lance vers une réflexion individuelle, qu’un élément de la critique du Rapport Parent faite, à peine deux ans après sa parution, par les commissaires d’une autre commission d’enquête centrée sur l’enseignement des arts, celle-là.

«Ce que nous considérons comme une faiblesse du Rapport Parent, c’est de n’avoir vraiment considéré que l’ouverture des structures, c’est-à-dire la polyvalence qui est un champ de possibles dans les orientations, et non suffisamment l’ouverture du processus de l’éducation, de la pédagogie comme telle.  Ainsi, dans ce rapport, l’apprentissage de la connaissance se fonde explicitement sur l’apprentissage des signes. Le besoin de savants et de techniciens semble être la préoccupation fondamentale qui se dégage de ce rapport. D’aucune façon l’art, par exemple, n’a été considéré au même titre que les mathématiques ou la langue, comme matière de base. L’art n’est tout au plus qu’un mode d’expression. À peu près jamais, il n’a été considéré comme étant une voie majeure de la connaissance. Sans doute parce que c’est une connaissance, en apparence, moins immédiatement utilitaire.»(8)

Vingt ans après les recommandations du Rapport Parent et de l’application intégrale ou partielle d’un certain nombre d’entre elles dans le vécu éducatif québécois, bientôt vingt ans après la critique et l’étude de Marcel Rioux et de son équipe, la perception de l’art dans l’éducation a-t-elle profondément changé pour nous, autour de nous et aux différents paliers de la pyramide administrative du système d’éducation?

Nicole Trudeau Ph.D.

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Références  

1. PARENT, A.M. / Rapport de la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, vol. 2, 1964, par. 147, pp. 83-85, pp. 355-356.

2.  Ibid., par. 200, p. 117, p. 356.

3.  Ibid.,  par. 257, p. 151, p. 359.

4.  Ibid., vol. 3, chapitre XIV, par. 718-730, pp. 85-91.

5.  Ibid., pp. 90-91.

6.  Ibid., chapitre XI, p. 22.

7.  Ibid., chapitre XXIX, pp. 293-294.

8. RIOUX, M. et al. / Rapport de la commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec, Éditeur officiel du Québec, 1968, vol. 1, p. 98.

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Article publié dans :

À la ronde Revue de la Fédération des Associations des Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ) / Volume 6 numéro 1, septembre-octobre 1986, pp 7-9 / Nicole Trudeau Ph.D. / L’Éducation musicale et le Rapport Parent.

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