Edmonton et ses titans

En juillet 1986 était inauguré, à la Faculté Saint-Jean, Faculté francophone de l’Université de l’Alberta, un cours intensif d’éducation musicale selon les principes de Zoltan Kodaly. C’est sœur Thérèse Potvin SASV qui a pu donner le coup d’envoi de l’un de ses plus chers projets.

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Edmonton et ses titans

Le 7 juillet dernier, des étudiants (majoritairement déjà enseignants) de l’Alberta, de la Saskatchewan, de la Colombie Britannique, des Territoires du Nord-ouest et du Québec, des professeurs d’Edmonton, de la Hongrie et du Québec étaient au rendez-vous pour inaugurer un cours intensif d’éducation musicale selon les principes de Zoltan Kodaly. C’est à la Faculté Saint-Jean, Faculté francophone de l’Université de l’Alberta, et avec l’appui du doyen, le docteur Bourre, et du directeur du département de l’éducation permanente, le docteur Jean Wather, que sœur Thérèse Potvin SASV a pu donner le coup d’envoi de l’un de ses plus chers projets.

Mais que s’est-il passé à la Faculté Saint-Jean à Edmonton du 7 au 25 juillet 1986?

En collaboration avec madame Eva Kollar et monsieur Richard Proulx, sœur Thérèse Potvin, femme entièrement dévouée à sa mission de pédagogue et de musicienne, femme que les défis semblent stimuler, que les embûches ne découragent jamais et que la fatigue ne peut vaincre, réalise un rêve!

Offrir en français aux enseignants du primaire, spécialistes en musique  mais aussi généralistes, un programme de formation animé par les principes de Zoltan Kodaly.

Tous les jours, l’avant-midi et l’après-midi commencent par une session de chant choral dirigé tour à tour par les trois professeurs dont l’esprit d’équipe, la générosité et la spontanéité dans la communication de leur expertise impressionnent. Puis, avec la même fréquence, ce sont les sessions de solmisation qui s’enchaînent sous la responsabilité de monsieur Richard Proulx pour les débutants, et de madame Eva Kollar pour le niveau supérieur. Enfin, chaque matinée se termine par un cours de méthodologie et chaque journée par une session d’animation de chansons; ses deux derniers cours sont présentés par sœur Thérèse Potvin, initiatrice de l’événement et auteur de plusieurs ouvrages.(1)

« Sœur Thérèse » – comme tout le monde la nomme et l’interpelle – doit être présentée, me semble-t-il, comme le titan des titans de l’éducation musicale francophone en Alberta (pour être modeste). Profondément impliquée dans l’enseignement depuis de nombreuses années, sans cesse soucieuse d’offrir « plus » et « mieux » aux jeunes, elle s’est mise à l’étude systématique des méthodes actives en éducation musicale. Séduite par la démarche de Zoltan Kodaly – par l’enracinement culturel qu’elle sous-tend, par la démarche et la progression qu’elle propose – « sœur Thérèse » investit dès lors toutes ses énergies à faire connaître et maîtriser cette pédagogie pour offrir ce trésor aux enfants. Elle demeure cependant très ouverte et accueillante aux autres pédagogies qu’elle connaît bien. Depuis cette révélation, son action est étourdissante: éducation musicale auprès des enfants, formation des maîtres à l’université, élaboration de documents pédagogiques et de matériel didactique, expérimentation, révision et publication de ces outils, ateliers et conférences sur les scènes albertaine, nationale et internationale; et l’énumération pourrait se prolonger… La foi de cette femme en l’éducation musicale est absolue!… Cette foi, avec ce qu’elle charrie d’espoir et de persévérance, lui a valu d’être entourée pendant trois semaines à Edmonton de deux excellents professeurs et précieux collaborateurs.

Madame Eva Kollar, spécialiste Kodaly de réputation internationale, chef de chœur et femme extrêmement attachante et sensible, s’est déplacée expressément de Budapest à Edmonton pour cette session de cours. Madame Kollar travaille actuellement comme chargée de formation à l’École normale des instituteurs de Budapest, secteur éducation musicale. De plus, elle est connue comme responsable des francophones en formation aux cours internationaux d’Esztergom et de Budapest. Avant de se rendre à Edmonton, elle a, à différentes reprises, animé des ateliers en France et en Belgique. On doit encore préciser que madame Kollar dirige Monteverdi qui se produit en Hongrie, mais aussi en Italie, en Allemagne et ailleurs. La personnalité, la compétence musicale et pédagogique, le sens professionnel et l’implication de madame Kollar dans le milieu ont fait de sa présence à la Faculté Saint-Jean d’Edmonton un événement universitaire que les étudiants n’oublieront pas.

Monsieur Richard Proulx, par sa réflexion ethnomusicologique et ses travaux(2),  ajoute une dimension significative à l’œuvre de « sœur Thérèse » et de son équipe. Ardent adepte de la pédagogie musicale hongroise et de son enracinement culturel, monsieur Proulx déploie toutes ses énergies à collaborer avec l’équipe de professeurs et à enrichir ses étudiants. À son expérience d’enseignant à tous les niveaux du système scolaire, il ajoute le travail de transcription musicale de la chanson folklorique de langue française qu’il effectue au Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle au Musée national de l’homme à Ottawa. De plus, il met présentement la dernière main à son mémoire de maîtrise en musicologie.

Le cadeau de « sœur Thérèse » aux francophones

Lors de la parution de la version définitive du guide pédagogique élaboré par sœur Thérèse Potvin, il y aura certainement lieu d’en offrir une présentation spécifique aux lecteurs de cette publication. Dans l’intervalle, qu’on me permette cependant d’en expliquer au moins la genèse en empruntant quelques phrases au document provisoire:

«Dans nos milieux francophones, scolaires et culturels, (…) des parents toujours plus nombreux demandent une formation musicale sérieuse pour leurs enfants.» Les intervenants du milieu scolaire « réclament à leur tour la mise sur pied de moyens essentiels à cette réalisation. S’il ne s’agissait que de traduire les programmes d’éducation musicale déjà existants en anglais, la réponse serait simple et rapide. Mais dans un système d’éducation musicale authentique ou le chant, nommément le chant de folklore précède l’instrument et sert de matériau de base pédagogique, la question devient beaucoup plus complexe et exigeante. Le chant de folklore d’un pays ne se traduit pas. Afin d’utiliser nos chansons francophones comme matériau de base, tel que préconisé par la pédagogie active, il fallait une longue étude du contenu musical et textuel de ces chansons (…)  Heureusement pour nous, Jacquotte Ribière-Raverlat (…)» a initié ce travail pour la chanson française et a établi «la progression pédagogique que nous connaissons» et qui a servi de point d’ancrage dans l’ouvrage réalisé. «Depuis cette initiative et grâce à ce matériau de base, la recherche s’est poursuivie, (…) en Alberta (…)»

Et nous pourrons en connaître et en apprécier le résultat incessamment.

À l’an prochain! …

Bien sûr, aussi intensif que soit le travail, aussi ardente que soit l’implication, ce n’est pas en trois semaines que l’on peut maîtriser tous les éléments proposés, tous ceux pressentis et tous ceux nécessaires à une action musicale et pédagogique approfondie. Mais les bases sont jetées, le besoin est là (les étudiants-enseignants en témoignent), la clientèle grandit: les classes francophones et les classes d’immersion française, les autorités universitaires déjà impliquées se réjouissent de l’enthousiasme des participants et paraissent ouvertes à la poursuite du projet et aux enrichissements envisagés…

Il faut réaliser, comme l’a dit publiquement monsieur Richard Proulx, que c’est le premier programme du genre entièrement francophone au Canada. Il s’agit donc d’un événement de première importance pour la culture canadienne française, précise-t-il. Il faut encore entendre madame Eva Kollar dire que, à sa connaissance, c’est la première fois qu’un ensemble de cours de cette durée et de cette densité est offert en français.

En quittant la Faculté Saint-Jean le 25 juillet l’on entendait de tous côtés: «À l’an prochain !»«À l’été prochain!» … et l’on discutait de contenu, d’ajouts de nouveaux éléments…

Tous ceux qui croient à l’éducation musicale de qualité pour les enfants, tous ceux qui sont convaincus que l’enracinement culturel de chacun est une richesse  pour une société disent à «sœur Thérèse» et à ses collaborateurs et collaboratrices de continuer à faire presque l’impossible pour offrir une prolongation de la formation offerte et appréciée en juillet 1986:

Ensemble, nous avons chanté ce chœur de Haendel dont les premières lignes se lisent comme suit:

Chantons victoire,
Chantons tous en chœur,
Célébrons la gloire
De l’heureux vainqueur.

Le vainqueur d’Edmonton, c’est la gent enfantine, c’est la gent adulte de l’an 2000, c’est l’être humain sensible au beau et ayant les moyens de s’exprimer esthétiquement.

Puissent les titans de l’éducation musicale d’Edmonton être heureux de leur réalisation! La musique et l’enfant n’en valent-ils pas la peine?

Nicole Trudeau Ph.D.

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Quelques titres 

1) POTVIN, Thérèse:

Guide pédagogique en éducation musicale pour le primaire francophone en Alberta / ministère de l’Éducation / 1980.

Programme et guide pédagogique – éducation musicale pour les francophones albertains – niveaux: 1 à 6 / ministère de l’Éducation / 1985.

L’éducation musicale à l’élémentaire (guide pédagogique pour les classes de  1ère, 2e et 3e année / (parution imminente), ministère de l’Éducation de l’Alberta.

Outils d’éducation musicale, Music Education Aids /Via Musica, Edmonton, 1986.

Projet pilote en éducation musicale «francophone», niveau primaire et niveau   élémentaire / ministère de l’Éducation de l’Alberta / (deux séries de vidéo-cassettes) / 1980, 1984.

Méthodes actives en éducation musicale selon M. Martenot, E. Willems / (mémoire de maîtrise) / Université de Strasbourg.

2) PROULX, Richard / Exercices de lecture, introduction à la musique de la chanson française, 1er  cahier / 1986.

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Article publié dans :

À la ronde Revue de la Fédération des Associations des Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ) / volume 6 numéro 1, septembre/octobre 1986 / pp. 17-20 / Nicole Trudeau Ph.D. / Edmonton et ses titans

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