Transcription braille au Québec, réaction à la lettre de Monsieur Normand Giroux

C’est avec satisfaction que j’ai pris connaissance de la lettre adressée par Monsieur Normand Giroux à Monsieur le Sous-ministre Jean-Claude Deschênes. Je me réjouis que le braille, sur lequel beaucoup de  discrédit a été jeté pendant un certain temps, semble revenir à sa vraie place auprès des aveugles.

***

Transcription braille au Québec, réaction à la lettre de Monsieur Normand Giroux

—-

NOTE DE L’ÉDITEUR :

Nous sommes heureux de publier ici un texte que nous a fait parvenir Madame Nicole Trudeau, membre du RAAQ, qui a désiré appuyer la cause du braille au Québec par le biais de notre périodique. Une copie de ce texte a été envoyée, par Madame Trudeau, à Monsieur Jean-Claude Deschênes, sous-ministre aux Affaires sociales, ainsi qu’à Monsieur Normand Giroux, directeur général de l’I.N.L.B. Nous remercions Madame Trudeau pour son implication.

—-

C’est avec satisfaction (une satisfaction que je désire d’ailleurs communiquer) que j’ai pris connaissance de la lettre adressée par Monsieur Normand Giroux à Monsieur le Sous-ministre Jean-Claude Deschênes, lettre reproduite dans l’INFO-RAAQ, vol. VI, no 5. (1)

Je me réjouis que le braille, sur lequel beaucoup de discrédit a été jeté pendant un certain temps, semble revenir à sa vraie place auprès des aveugles et surtout auprès de ceux qui doivent plaider leur cause.

J’apprécie cette technique du braille non pour elle-même, mais pour ce qu’elle m’a permis et me permet toujours d’apprendre et de réaliser. Ne pas ouvrir ce champ d’exploration aux aveugles consiste à les «surhandicaper». Je refuse l’idée que l’écrit soit le privilège des voyants: ces derniers parlent, entendent, lisent et écrivent: les aveugles également parlent, entendent, lisent et écrivent et doivent pouvoir continuer de le faire.

Depuis fort longtemps, je me pose la question que Monsieur Giroux formule ainsi: «(…) On est en droit de se demander si certains décideurs n’ont pas choisi arbitrairement le medium substitut qu’il fallait privilégier.»

Pour avoir développé, au cours de longues années d’études et d’activités professionnelles diversifiées, une polyvalence croissante dans l’instrumentation accessible aux aveugles et dans les méthodes de travail correspondantes, je peux et veux témoigner, à l’instar de Monsieur Giroux, «(…) que le braille ne saurait être remplacé (…).» J’ajoute que le braille peut et doit être complété par la cassette, par exemple, et par tout autre équipement de pointe adapté à l’activité spécifique menée.

J’ai toujours regretté la tendance qui consiste à démolir une technique ou un mode de fonctionnement pour en valoriser un autre. Les aveugles ont pourtant tellement besoin d’une gamme étendue d’instruments pour avoir la possibilité de s’adapter le plus efficacement à différentes situations de vie ou de  travail.

Je suis de ceux qui croient que, comme la majorité des êtres humains, (handicapés de la vue ou non), nous disposons de divers canaux de perception, donc d’accès à la connaissance et d’ouverture à l’apprentissage : parmi ces canaux, citons seulement l’auditif et le visuel. Les aveugles sont privés de la perception sensorielle de la vue, mais non de la vision intérieure, de la représentation mentale de l’univers. Parce que la population consacre beaucoup d’intérêt, de temps et d’argent dans le visuel, par exemple, lui a-t-on supprimé la  technologie par excellence de l’audio : la radio?

Puisse une certaine logique présider aux décisions qui se prennent à divers paliers d’intervention.

Alors que la technologie ne cesse de s’ouvrir pour tous, elle devrait se refermer pour les aveugles ?

Merci à ceux qui voient et pensent autrement.

Nicole Trudeau Ph.D.

—-

C.C.:

Monsieur Normand Giroux, Directeur général de l’I.N.L.B.
Monsieur Jean-Claude Deschênes, sous-ministre au ministère des Affaires sociales.

—-

Article publié dans:

INFO-RAAQ Bulletin du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ) / Vol. VI, no 7, novembre 1984, pp. 4-6 / Nicole Trudeau Ph.D. / Transcription braille au Québec, réaction à la lettre de Monsieur Normand Giroux.

—-

Publié également dans:

Carrefour braille / Publication en braille / vol. 16 no 9 novembre 1984, feuillet 6. / Nicole Trudeau Ph.D. / Transcription braille au Québec, réaction à la lettre de Monsieur Normand Giroux.

—-

Note: 

1La signataire de cet article reproduit ci-après des extraits de la lettre de Monsieur Normand Giroux adressée à Monsieur Jean-Claude Deschênes, sous-ministre du ministère des Affaires sociales, lettre qui l’a inspirée et qui a paru dans Carrefour braille vol. 16 no 8 septembre 1984 et dans Info-RAAQ vol. 6 no 5 1984.

—-

Monsieur le sous-ministre,

Face à l’impasse dans le dossier du braille au Québec et compte tenu de la compréhension de la situation dont témoigne votre lettre à Madame Laurette Champigny-Robillard, présidente de l’Office des personnes handicapées du Québec, lettre datée du 28 février dernier, je vous écris dans l’espoir non dissimulé qu’une intervention concrète de votre part amène un débloquage prochain dans ce secteur.

Je n’ai pas l’intention de refaire depuis le début l’historique de ce dossier. (…)

Je tiens cependant à vous rappeler que ce n’est pas la première fois que la direction de l’Institut se heurte à la volonté tout aussi évidente qu’incompréhensible de plusieurs intervenants décideurs, de ne pas s’engager dans le développement du secteur braille au Québec.

Bien sûr, le refus de s’engager est motivé par divers prétextes:

      • les divers producteurs devraient mieux se concerter;
      • un centre de réadaptation n’a pas le mandat de produire du braille;
      • le ministère des Affaires sociales n’a rien à voir dans ce domaine.

Fait étrange cependant, à travers toutes ces considérations on entend très peu parler de l’intérêt de la personne handicapée de la vue. On oublie aussi facilement que c’est depuis plus de quatre-vingts ans que L’Institut Nazareth d’abord, puis l’Institut Nazareth et Louis-Braille fournit à ceux qui en ont besoin l’information en braille : plus de dix mille titres à la bibliothèque, ainsi que des milliers de documents divers reproduits à grand tirage par les Éditions braille.

À plusieurs reprises au cours des dernières années, nous avons vainement tenté de convaincre le ministère des Affaires culturelles du Québec de prendre ses responsabilités dans ce dossier. Les réponses polies, mais sans effet que nous avons reçues, illustrent par elles-mêmes la désinvolture avec laquelle on traite de la question. De nombreux mémoires, des requêtes plusieurs fois répétées n’ont rien donné. (…)

Quand on sait que ce même ministère vient d’accorder, il y a quelques mois, une subvention statutaire de deux cent cinquante mille dollars (250 000 $ à un producteur de matériel sur bandes magnétiques (La magnétothèque), on est en droit de se demander si certains décideurs n’ont pas choisi arbitrairement le médium substitut qu’il fallait privilégier. Pourtant, il y a consensus parmi les handicapés de la vue utilisant les deux média, pour affirmer que le braille ne saurait être remplacé par la cassette, surtout quand il s’agit de matériel didactique.

(…) En ces temps de sommets, de colloques et de décennie officielle pour l’intégration des handicapés, de politique du «à part … égale», qu’est-ce que le Québec fera enfin pour assurer aux personnes handicapées de la vue l’accès à la culture, à l’information, dans ce médium ingénieux qu’est le braille?

Je compte donc sur votre compréhension pour activer ce dossier et faire en sorte que les handicapés de la vue, utilisateurs braille, cessent d’être marginalisés parce qu’on les prive d’informations dans un média substitut correspondant à leurs besoins et qui ne saurait être remplacé par un autre, telle la cassette.

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette lettre et vous prie d’agréer, Monsieur le sous-ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Le Directeur général, Normand Giroux.

Envoyer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *