L’apport des musiciens aveugles à la vie musicale

L’apport des musiciens aveugles à la vie musicale est un voyage international dans le temps à la rencontre d’artistes aveugles dont la pensée, l’action et l’œuvre sont parvenus jusqu’à nous, à cause de la qualité et de l’importance de leur contribution.

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L’apport des musiciens aveugles à la vie musicale

 

Présentation

Lors du Festival international de musique de Montréal en 1990, j’ai été invitée à présenter une conférence sur les musiciens aveugles. J’ai choisi de faire un retour dans le temps et dans l’espace pour observer et pour faire revivre leurs présences et leurs contributions. Par le texte, les images et les extraits musicaux, une galerie de musiciens aveugles de différentes origines est parcourue révélant leurs legs à leurs sociétés et à l’humanité.

La conférence ci-après reprise n’inclut pas les événements postérieurs à 1990 mais des liens actualisés y sont ajoutés.

Extrait musical 1: Joaquin RODRIGO / Concerto Arenjouez (2e mouvement)

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Mesdames, Messieurs,

Bonjour et bienvenue à ce voyage international dans le temps à la rencontre de musiciens aveugles dont la pensée, l’action et les œuvres sont parvenues jusqu’à nous, à cause de la qualité et de l’importance de leur contribution.

L’instruction et la formation des aveugles ne prennent véritablement forme, dans des cadres institutionnels, qu’au XIXe siècle; dès lors, la musique y occupe une place aussi importante qu’approfondie. Cependant, des musiciens aveugles se sont illustrés et imposés dans des milieux religieux, intellectuels, culturels et princiers au cours des siècles précédents.

Pourtant, la peinture nous renvoie plus souvent l’image de l’aveugle et du musicien aveugle mendiant que du musicien aveugle œuvrant au sein de l’université, de la cour et de l’église.

Regardons quelques chefs-d’œuvre de la peinture mettant en scène aveugles et musiciens aveugles à diverses époques.

Saint-Laurent distribuant des aumônes, toile réalisée par Fra Angelico au XVe siècle

Les aveugles, toile réalisée par Brugel au XVIe siècle

 L’aveugle à la guitare, toile réalisée par Goya au XVIIIe siècle

Dans la caricature du XIXe siècle, les musiciens aveugles ne sont pas oubliés et la perception peu modifiée.

En voici un exemple avec cette eau-forte intitulée:

 Les aveugles

De tels chefs-d’œuvre, qui traduisent très certainement une réalité sociale, ont nourri un imaginaire où les musiciens aveugles étaient étroitement typés. Lorsque, à partir du XIXe siècle environ, les institutions d’enseignement et de formation des aveugles ont permis à un bon nombre d’entre eux de devenir des professionnels, d’accéder à un travail rémunérateur, l’imagerie et la perception se sont quelque peu modifiées pour faire désormais de tout aveugle un musicien. Or, les leçons de l’histoire nous confirment que, d’une part, les musiciens aveugles n’étaient pas tous des mendiants avant le XIXe siècle et que, d’autre part, les aveugles de tout temps n’ont pas tous été musiciens. Bien sûr, parmi les musiciens aveugles, comme parmi l’ensemble des être humains, de grands talents se sont épanouis, affirmés et imposés.

Toutes conditions sociales confondues, depuis la plus Haute Antiquité, les musiciens aveugles se manifestent dans les différentes périodes de l’histoire. Chanteurs et instrumentistes, ils animent les cérémonies religieuses à Thèbes et à Memphis. Dans l’Ancienne Grèce, ils déclament des fragments d’épopées sur les places publiques. Ils sont nombreux parmi les bardes de la Gaule celtique: né aveugle, Saint Hervé, par exemple, sort de leurs rangs et la tradition lui attribue des chants que les bretons fredonnent encore aujourd’hui.

À partir du XIVe siècle, nous voyons apparaître de véritables artistes non-voyants dont l’orgue est généralement l’instrument de prédilection. Le premier d’entre eux est le florentin Francesco Landino. Ce musicien, reconnu comme la principale figure de «l’ars nova» italien, est né en 1325. C’est encore tout enfant qu’il perd la vue. Facteur d’orgue, chantre, poète et compositeur, c’est comme organiste qu’il a connu sa plus grande renommée. Sa carrière se déroule principalement à Florence, centre de la vie musicale italienne en cette 2e moitié du XIVe siècle. Environ 150 œuvres de Landino nous sont parvenues, et ce, après plus de six siècles. Écoutons donc, à la harpe médiévale, Angelica belta de Landino.  Extrait musical 2

Au siècle suivant, soit au XVe siècle, c’est l’Allemagne qui nous révèle un grand musicien aveugle, Conrad Paumann. Organiste à la cour des ducs de Bavière, virtuose et grand improvisateur, il est considéré comme le musicien allemand le plus représentatif de son époque. Par son enseignement et par sa théorie de la musique, Conrad Paumann a exercé une influence profonde sur ses successeurs. Dans son important ouvrage didactique: Base de l’art de l’orgue, Paumann démontre les façons d’improviser. Au nombre de ses contributions s’ajoute l’invention de la tablature allemande du luth, c’est-à-dire, un système particulier de notation musicale instrumentale.

C’est en Espagne que naît, au tout début du XVIe siècle, le plus remarquable musicien aveugle que l’histoire a retenu: Antonio de Cabezon. Fondateur de l’école espagnole d’orgue, il est reconnu comme l’organiste le plus illustre du XVIe siècle. Dès l’âge de 26 ans, il est attaché au service royal: d’abord organiste et claveciniste de la chapelle royale de Castille, puis, musicien de la chambre de Charles Quint et enfin, musicien au service de Philippe II. Il accompagne le monarque dans ses voyages, ce qui lui permet de rencontrer les principaux musiciens des différentes écoles européennes. Cabezon, le compositeur, a créé presque exclusivement pour le clavier, même si ses oeuvres peuvent également être jouées au luth et à la harpe. Cabezon a cultivé en maître les deux formes de la musique pour clavier en Espagne: le tiento et la variation. Écoutons un tiento de Antonio de Cabezon joué à l’orgue historique de Salamanque. Extrait musical 3

Le compatriote et contemporain de Cabezon, Francisco de Salinas, est également aveugle. Musicien autant qu’humaniste, Salinas a partagé son activité entre l’Espagne et l’Italie. En effet, en 1539, son protecteur étant nommé cardinal, il part avec lui pour l’Italie où il vivra 23 ans. Il y sera organiste, entre autres, à Naples puis à Florence. Il rencontrera Roland de Lassus. Salinas est un musicien érudit. Il maîtrise le grec et en connaît la littérature. Il publie un important traité qui résume toute la science musicale du XVIe siècle espagnol: Musica libri septem. Cette somme, publiée en 1577, constitue la substance de ses cours à l’Université de Salamanque où il est nommé professeur à son retour d’Italie.

C’est encore en Espagne que rayonnent le talent du luthiste aveugle, Miguel Fuenlana, au XVIe siècle, celui de l’organiste et compositeur aragonais du temps de Philippe IV, Pablo Bruna, au XVIIe siècle et, à la fin de ce même siècle, celui d’un religieux franciscain aveugle, Pablo Nazare. Ce dernier musicien publie des ouvrages théoriques précieux dont l’un traite de la construction des orgues et des principes de composition nécessaires aux organistes.

C’est de nouveau en Italie que nous rencontrons l’un des meilleurs émules de Monteverdi au XVIIe siècle, le compositeur aveugle, Martino Pesante. Il a écrit, entre autres, des livres de madrigaux, d’arias, de messes et de motets.

Le XVIIIe siècle nous entraîne au delà de l’Europe continentale, soit en Angleterre, à la découverte de John Stanley. Nous sommes ici en présence d’un musicien particulièrement précoce. D’une part, il obtient son premier poste d’organiste à 11 ans; d’autre part, en 1729, il est le plus jeune bachelier en musique de l’Université de Oxford.  Il est considéré, dès son jeune âge, comme un prodige, une gloire pour son pays, le meilleur organiste de l’Europe, sinon du monde. Comme compositeur, on lui connaît des œuvres instrumentales, mais aussi vocales. Voici un extrait de l’une de ses œuvres: Voluntary no 9 dans une interprétation de Denis Regnaud à l’orgue de l’Église Saint-Stephen de Chambly. Extrait musical  4

Alors que John Stanley poursuit, en Angleterre, sa carrière d’organiste et de compositeur, naît, à Vienne, en 1759 (3 ans après Mozart) une enfant qui, aveugle à partir de l’âge de 3 ans, éblouira l’Europe par sa personnalité, sa culture et son talent de musicienne.

Nous parlons de Maria-Theresia von Paradis.

Portrait de Maria-Theresia von Paradis

Soutenue par l’impératrice Marie-Thérèse, Maria-Theresia von Paradis acquiert, parallèlement à sa formation musicale de pianiste et de chanteuse, une excellente éducation générale. À 16 ans, elle se fait entendre comme pianiste virtuose et comme chanteuse dans les salles de concert de Vienne, dans les salons aristocratiques et au Palais de Schoenbrunn. Elle devient une idole à Vienne. Mozart, qu’elle rencontre à Salzbourg, lui promet un concerto. Il semble que ce soit le concerto K456 dont voici quelques mesures. Extrait musical 5

Haydn et Salieri (l’un de ses maîtres) écrivent également un concerto pour elle. Maria-Theresia von Paradis connaît de mémoire, entre autres, 60 concerti. Le sommet de la carrière d’interprète de Maria-Theresia von Paradis culmine entre 1783 et 1786 lors d’une tournée de plusieurs mois dans de nombreux pays d’Europe: Allemagne, Suisse, France, Angleterre, Belgique, Tchécoslovaquie, etc.

De retour à Vienne, elle se concentre, pendant plusieurs années, sur des activités de création. Ainsi, elle compose d’ambitieux ouvrages: opéras, cantates et ballets. Ces œuvres s’ajoutent à des lieder et à de la musique instrumentale.

Plus tard, c’est l’enseignement qui devient le centre de sa vie et de ses activités. Elle fonde, en 1808, une école de musique pour jeunes filles. Elle y enseigne alors le piano, le chant et la théorie.

Il est important de préciser que, avant le milieu du XIXe siècle, les musiciens aveugles n’avaient directement accès à aucune partition. Différentes tentatives de représentation tactile de la notation musicale avaient vu le jour, mais aucune ne s’était imposée et généralisée. Grâce à l’ingéniosité d’un ami, Monsieur Riedenger, Maria-Theresia von Paradis a eu à sa disposition, un matériel lui permettant d’écrire sa musique.

Voici un aperçu du système que Riedenger a mis au point pour elle.

Représentation du système RiedengerIl s’agit d’un panneau de bois couvert de trous également répartis. Des pièces de bois de formes différentes sont insérées dans les orifices. Chaque pièce correspond à des lettres et à des symboles musicaux.

Tout ingénieux que soit le système, on a du mal à imaginer aujourd’hui écrire de vastes compositions, comme l’a fait Maria-Theresia von Paradis, à l’aide d’un tel équipement.

En présence de tels accomplissements, j’aime à me rappeler une réflexion du grand écrivain argentin du XXe siècle, Luis Borges, lui-même devenu progressivement aveugle: «On hérite de bien des choses, de la cécité par exemple, mais on n’hérite pas du courage ».

Avec Valentin Haüy,

Monument de Valentin HaüyMonument de Valentin Haüy devant l’Institut national des jeunes aveugles de Paris

 

personnalité que Maria-Theresia von Paradis rencontre à Paris lors de sa tournée de concerts, une certaine accélération de l’histoire s’engage pour les aveugles. En effet, Valentin Haüy fonde, en 1784, l’Institut royal des jeunes aveugles de Paris qui, plus de 50 ans plus tard, devient l’Institut national des jeunes aveugles, centre de formation d’un grand nombre de musiciens.Photo de l'Institut national des jeunes aveugles de ParisCe geste historique a un retentissement et un rayonnement tout aussi immédiat que remarquable. La plupart des pays européens, puis l’Amérique, s’engagent sur la voie de la formation organisée des aveugles. Très vite, l’enseignement de la musique s’impose comme une composante essentielle de cette formation.

À Paris, des grands maîtres du Conservatoire national supérieur de musique collaborent bientôt à la formation des aveugles de l’institution. Ils sont membres des jurys d’examens et dirigent l’orchestre de la maison, orchestre alors considéré parmi les meilleurs de Paris. La qualité de la formation dispensée conduit, avant la fin du siècle, plusieurs musiciens aveugles dans les classes du Conservatoire, particulièrement dans les classes d’orgue et improvisation et d’écriture (harmonie, contrepoint, composition) d’où ils sortent avec des premiers prix. Au nombre de ces diplômés, d’abord de l’Institut national des jeunes aveugles, puis du Conservatoire, on retrouve:

– Adolphe Marty, organiste et compositeur: premier étudiant aveugle à entrer dans la classe de César Franck, il y obtient un premier prix en 1886; de 1891 à 1942, Marty est titulaire des orgues de l’église Saint-François-Xavier;

– Albert Mahaut, également élève de Franck (premier prix en 1888) et l’un des premiers interprètes à donner en public l’intégrale de l’œuvre de son maître;

– Augustin Barié, organiste et compositeur: élève de Alexandre Guilmant et de Louis Vierne (premier prix en 1906), c’est à Saint-Germain-des-Prés qu’il a fait carrière;

 Jeanne Boulay, premiers prix d’orgue, de fugue et de composition; elle consacre sa carrière à l’enseignement à l’Institut national des jeunes aveugles de Paris.
(Le paragraphe sur Jeanne Boulay  sur ce site se trouve entre les photos d’Albert Mahaut et Louis Vierne);

Louis Vierne.

C’est le début, pourrait-on dire, de la grande dynastie des organistes aveugles de France. Plusieurs diplômés devenant à leur tour professeurs à l’Institut national des jeunes aveugles, il s’est bâti là une très importante et prestigieuse école d’orgue. Certes, l’organiste aveugle n’est pas une invention du XIXe siècle. outre ceux que nous avons nommés, d’autres ont antérieurement joué un rôle significatif dans la vie musicale. Mais la fondation d’une école et l’emphase sur la formation musicale ont permis l’épanouissement d’un nombre croissant de musiciens de talent.

Faire accéder les aveugles à l’éducation dans un cadre institutionnel sans les techniques et les outils permettant la maîtrise de la lecture et de l’écriture alphabétiques et musicales, cela pouvait paraître insensé. La technique du gaufrage du papier, introduite par Valentin Haüy pour obtenir des lettres tactilement tangibles, et utilisée par les premiers élèves de l’école, s’avère, comme les précédents essais, trop complexe pour permettre une lecture tactile fluide. De plus, ce procédé ne permet pas à l’aveugle d’écrire.

C’est à Charles Barbier, ingénieur français et officier dans la cavalerie, que l’on doit l’innovation qui conduira au système Braille. En effet, soucieux de trouver un moyen de communication entre les troupes pendant la nuit sans recourir à la lumière, il invente, vers 1808, un système d’écriture nocturne ponctuel basé sur un code phonétique arbitraire et déchiffrable par le toucher.

Illustration du système de Barbier

Barbier met au point également un moyen ingénieux d’impression des caractères reposant sur l’emploi d’une tablette et d’un poinçon, procédé qui sera utilisé aussi pour le Braille.

Bien que Barbier n’ait pas initialement conçu son système à l’usage de l’aveugle, il s’intéresse à cette application et présente son système à l’Institut royal des aveugles en 1821. Des élèves vont l’expérimenter et, parmi eux, Louis Braille qui a alors 13 ans.

Buste de Louis BrailleAprès 4 ans de travail à partir du système de Barbier, Louis Braille a conçu l’essentiel de son procédé. Ce qui différentie fondamentalement le système de Braille du système de Barbier, c’est que, d’une part, la matrice des points passe de 12 à 6 et que, d’autre part, de phonétique, le système devient orthographique. En 1829, Louis Braille présente un premier exposé de sa méthode sous le titre: Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points à l’usage des aveugles et disposés pour eux. La version définitive date de 1837 et est actuellement en usage dans le monde entier et pour toutes les langues, y compris l’arabe, le japonais, le chinois, etc. Faut-il rappeler que le Braille n’est pas une langue, mais une technique de lecture et d’écriture à usage tactile!

Outre l’alphabet braille que voici,

Illustration de l'alphabet braille

le système comprend:

la notation des chiffres

Illustration de la notation des chiffres en braille.

la notation de la ponctuation

Illustration de la notation de la ponctuation en braille

et un code pour la musique

Illustration de la notation musicale en braille

Précisons ici qu’en braille, la notion de portée et celle du mouvement vertical des signes, mouvement associé à la hauteur des sons, n’existent pas. La localisation précise d’une note s’obtient en faisant précéder cette note d’un symbole qui en détermine l’emplacement exact. Par exemple, en clé de sol, la note sol de la 2e ligne est accompagnée, en braille, par un symbole désignant le 4e octave, c’est-à-dire, le 4e sol de l’échelle sonore traditionnelle. La superposition des notes ne pouvant être représentée comme telle en braille, voici les symboles utilisés pour les intervalles harmoniques et les accords.

Illustration de la notation des intervalles et des accords en braille.

Voici enfin un extrait musical d’une partition: les quatre dernières mesures du Nocturne op. 9 no 2 de Frédéric Chopin telles qu’écrites en notation standard et en notation en braille.

Photo de la partition standard ainsi que la partition en braille des 4 dernières mesures.

Extrait musical 6  Vous avez sans doute reconnu les dernières mesures du Nocturne op. 9 no 2 de Chopin et vous voyez la partition standard ainsi que la partition en braille des quatre dernières mesures de cette œuvre.

Dans un cas comme dans l’autre, la maîtrise de la lecture d’une partition musicale s’acquiert progressivement par l’apprentissage et l’entraînement. Les premières partitions musicales transcrites en braille datent de 1840.

Si Louis Braille a pu organiser avec une exceptionnelle précision sa notation musicale, c’est qu’il a lui-même étudié, puis enseigné la musique, en plus d’être organiste à l’Église St-Nicolas-des-Champs, entre autres.

Église St-Nicolas-des-Champs, Paris. Source : Wikipédia

 

On dit de Louis Braille musicien que «son exécution était précise, brillante, dégagée et représentait bien l’allure de sa personne.»

Atteint de tuberculose dès l’âge de 26 ans, Louis Braille n’en poursuit pas moins ses activités de chercheur et d’innovateur, de professeur et de musicien pendant toute sa vie. Né en 1809, il meurt en 1852, à 43 ans.

C’est deux ans après sa mort que commence la diffusion du braille à l’extérieur de la France. Dans les autres pays européens, on utilise, à la même époque, une grande diversité de systèmes. Ces systèmes sont basés, le plus souvent, sur l’embossage des caractères de l’alphabet romain. Au nombre de ces systèmes, on retrouve:

–  l’alphabet Klein, du nom de son concepteur viennois;

Représentation de l'alphabet Klein–  l’alphabet Wait, imaginé par le docteur Russ, fondateur de l’Institut des aveugles de New-York, et légué à Monsieur William Bell Wait.

Représentation de l'alphabet Wait

– et l’alphabet Moon.Représentation de l'alphabet Moon

La plupart de ces systèmes sont progressivement abandonnés devant les avantages offerts par le braille. Toutefois, le système Moon continue d’être utilisé de nos jours pour répondre à des besoins spécifiques. Ce système Moon propose également une notation musicale.

Représentation de la notation musicale Moon

Bien que les partitions musicales en braille, encore aujourd’hui, ne soient pas aussi simples à acquérir que les partitions standards, à compter de la 2e moitié du XIXe siècle les musiciens aveugles disposent, avec elles, de merveilleux outils d’étude et de travail; et cela, conjugué à des centres de formation bien organisés et des programmes d’études très étoffés.

C’est dans ces conditions qu’une illustre génération d’organistes aveugles français s’est forgée avant de rayonner à travers le monde. Ces musiciens ont donc contribué de façon majeure à l’extraordinaire vitalité qui a caractérisé l’école française d’orgue des cent dernières années.

Photo de Louis Vierne à l'orgue

La tête de pont de ce groupe est incontestablement Louis Vierne qui, entre autres, a été titulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris pendant 37 ans, c’est-à-dire, de 1900 à 1937. Il est mort subitement à ses claviers au cours de son 1750e récital.

«Vierne savait admirablement faire chanter son orgue. Son jeu était d’une parfaite précision d’attaque, son phrasé très personnel. Des doigts fins et nerveux, une tenue du corps impeccable, sans gestes inutiles, lui conféraient une aisance et un naturel peu communs», écrit l’un de ses élèves et grand organiste, Maurice Duruflé.

Trois grandes institutions marquent la vie et la carrière de Louis Vierne:

– l’Institut national des jeunes aveugles,
– le Conservatoire national supérieur de musique,
– Notre-Dame de Paris.

Remarqué par César Franck aux examens de l’Institut des jeunes aveugles, ce maître incite le jeune Vierne à se mettre à l’étude de l’orgue (il maîtrise alors le piano et le violon); il le fait personnellement travailler, puis l’accepte dans sa classe d’orgue et d’improvisation au Conservatoire en 1890. Mais c’est avec le successeur de Franck, Charles-Marie Widor, que Louis Vierne poursuit et complète ses études au Conservatoire. Vierne sera à son tour professeur suppléant, puis adjoint à la classe d’orgue et d’improvisation du Conservatoire pendant 17 ans. 30 organistes et improvisateurs détenteurs d’un premier prix du Conservatoire entre 1894 et 1930 ont travaillé sous sa direction.

Quant à Notre-Dame de Paris, «Vierne s’était tellement identifié à ce cadre grandiose, il s’y était tellement incorporé, qu’il était devenu, comme on l’a écrit, ‹l’âme de sa cathédrale›.»

1895 marque le début des récitals importants de Louis Vierne en France et à l’étranger. C’est en 1927 qu’il effectue une vaste tournée en Amérique au cours de laquelle il présente plus de 50 récitals et concerts dont deux à Montréal et un à Québec. À Montréal, son auditoire l’accueille au son de «Vive Vierne» sur ce rythme: Extrait musical 7 c’est le rythme du thème du final de la Première symphonie du maître. C’est dire que ses compositions avaient largement devancé sa visite.

À sa carrière d’interprète et de pédagogue se superpose une importante activité créatrice dont l’œuvre d’orgue n’est qu’une des composantes, certes, la plus connue et peut-être la plus originale. «Je n’ai qu’un seul but, disait Vierne, émouvoir». Extrait musical 8

C’était les premières mesures de la troisième symphonie de Louis Vierne interprétée par Antoine Reboulot.

En 1894, alors que Louis Vierne obtient son premier prix au Conservatoire de Paris, naît, dans cette même ville, un autre organiste aveugle dès plus prestigieux : André Marchal. Photo d'André Marchal à l'orgue

Initié à l’orgue à l’Institut national des jeunes aveugles, puis au Conservatoire, André Marchal est nommé, à 20 ans, titulaire des orgues de Saint-Germain-des-Prés,

Photo des orgues de Saint-Germain-des-Prés

à la succession d’un autre organiste aveugle, Augustin Barié. Il y restera pendant 30 ans. C’est Antoine Reboulot, canadien d’adoption, qui succède à son maître, André Marchal à cette même tribune en 1945. C’est par  la suite  aux orgues de Saint-Sulpice que le public entendra André Marchal après 1945.

Orgues Église Saint-Sulpice Paris  Source : Wikipédia

 

Ardent défenseur de l’orgue polyphonique, André Marchal, par ses recherches en matière de registration et de stylistique, a grandement influencé organistes et facteurs vers un retour à l’esthétique classique. Pour lui, l’orgue doit redevenir un instrument de musique souple, nuancé, divers, séduisant et émouvant. Pédagogue persuasif et éclairé, concertiste universellement connu, organiste d’église profondément attaché à sa mission, André Marchal a été, pour l’histoire de l’orgue, un maître clairvoyant, intelligent et inspiré, un guide très sûr pour plusieurs générations d’artistes et un interprète de grande classe pour une très large part du répertoire.

La première visite d’André Marchal au Québec remonte à 1930, c’est-à-dire, trois ans après celle de Louis Vierne. André Marchal avait alors été invité par Henri Gagnon, titulaire des orgues de la cathédrale de Québec et, comme lui, élève d’Eugène Gigout. André Marchal reviendra plusieurs fois chez nous. Qu’on se rappelle sa présence pour l’inauguration des grandes orgues de l‘Oratoire Saint-Joseph à Montréal en 1961 ainsi que pour l’inauguration de celles de l’École de musique Vincent-d’Indy également à Montréal en 1964.

Nous voyons Raymond Daveluy, titulaire des orgues de l’Oratoire Saint-Joseph
et André Marchal au clavier.

 

Écoutons les dernières mesures de La prière de Franck dans une interprétation d’André Marchal. Extrait musical 9 

Cet artiste «est le seul musicien qui (…) ait comprit la véritable portée de cette admirable supplication (…)», dit Antoine Reboulot.

André Marchal a été professeur à l’Institut national des jeunes aveugles pendant 40 ans. Neuf organistes qu’il a formés dans cette maison et qui font actuellement carrière tant à l’église, en concert, sur disque que dans l’enseignement, lui rendent hommage lors d’un récital, le 16 juin 1987. Nous les voyons ici après le concert dans les salons de l’Institut.

Photo des neuf organistes identifiés ci-dessous.De gauche à droite, nous apercevons :

– Louis Thiry
Professeur au Conservatoire de Rouen et récitaliste; il a, entre autres, signé sur disque une intégrale de l’œuvre d’orgue d’Olivier Messiaen.

-Jean Wallet
Organiste à Nice et professeur au Conservatoire de cette ville.Jean Langlais

-Xavier Dufresse

-Jean Laporte
Organiste à Pau et professeur au conservatoire de cette ville.

-André Pagenel
Pianiste et organiste, lauréat des concours Maria Canal en piano (Barcelone 1958) et Genève en orgue (1959).
Organiste de la Basilique de la Sainte Trinité de Cherbourg de 1958 à 1966, André Pagenel est, depuis cette date, titulaire du grand-orgue de la Cathédrale de Bourges. Il devient également professeur d’orgue au Conservatoire de cette ville en 1968. Il a réalisé plusieurs enregistrements.

-Antoine Reboulot

-Georges Robert
Professeur à Paris et à Versailles, organiste d’église à Versailles et récitaliste, il a signé sur disque, entre autres, une intégrale de l’œuvre de François Couperin.

-Pierre Lucet

André Marchal, mort en 1980, nous demeure présent grâce à de très nombreux enregistrements sur disque réalisés entre 1936 et 1976. Au nombre de ces documents, ne citons que l’intégrale de l’œuvre d’orgue de César Franck qui date de 1958.

Toujours en France, en 1907, puis en 1909, naissent deux autres aveugles qui, à leur tour, deviendront de grands organistes et compositeurs: Jean Langlais et Gaston Litaize. Tous deux étudient l’orgue, d’abord à l’Institut national des jeunes aveugles, puis au Conservatoire. Tous deux deviennent, par la suite, professeurs à leur alma mater, suivant ainsi les traces des Alfred Marthy, Albert Mahaut, André Marchal et tant d’autres. Tous deux se font entendre comme organistes de concert à travers le monde, y compris à Montréal, et réalisent de très nombreux enregistrements. Tous deux assurent, dans des églises réputées de Paris, les fonctions d’organistes. En 1945, Jean Langlais est nommé titulaire des grandes orgues de Sainte-Clothilde; il y succède à César Franck et à Charles Tournemire. Gaston Litaize, pour sa part, est responsable des orgues de l’Église Saint-François-Xavier où il succède à Adolphe Marthy. Enfin, pour l’un et l’autre, la composition représente une forme importante d’expression musicale.

Dans une étude qu’elle consacre à Jean Langlais,

Photo de Jean Langlais

Source : University Presbyterian Church Chapel Hill (UPCCH)

 

Marie-Louise Jacquet le qualifie «d’indépendant». Cette indépendance contribue de façon majeure à l’originalité de sa musique, essentiellement d’inspiration religieuse. Compositeur et improvisateur des plus apprécié, aux États-Unis, Jean Langlais voit son œuvre publié dans différentes villes de ce pays et reçoit, de deux universités américaines, un doctorat honorifique. Tous les grands improvisateurs des États-Unis ont été formés par ses soins.

Jean Langlais aux orgues de Sainte-ClothildeSource: Musimem

 

Écoutons le début de la Missa in simplificate de Jean Langlais écrite en 1952 et dédiée à la chanteuse Jeannine Collard. L’auteur (que nous voyons aux orgues de Ste-Clothilde lors de son affectation) et la dédicataire en sont ici les interprètes. Extrait musical 10

Gaston Litaize (que nous voyons aux orgues de Saint-Jean de Düsseldorf)

Photo de Gaston Litaize aux orgues de Saint-Jean de Düsseldorf

reçoit, en 1938, le 2e prix du concours du prix de Rome, concours qui couronne des créations musicales. Il est le seul musicien aveugle à obtenir une telle récompense. Son œuvre créatrice est principalement destinée à la liturgie; elle se fonde sur les thèmes du plain-chant qu’elle paraphrase. Extrait musical 11

Nous venons d’entendre le Prélude liturgique de Gaston Litaize interprété par l’auteur.

Gaston Litaize ajoute à ses activités d’organiste d’église et de concert, de compositeur et de professeur, celle de responsable des émissions religieuses à Radio-France entre 1945 et 1975.

Gaston Litaize présente ainsi son collègue, Antoine Reboulot: «C’est un musicien de race, improvisateur original et exécutant doué d’un sens peu commun de l’interprétation».

Photo d'Antoine Reboulot à l'orgue

Diplômé du Conservatoire en orgue et en composition, Antoine Reboulot étudie puis enseigne à l’Institut national des jeunes aveugles à Paris. Organiste, d’abord à Perpignant, puis à Versailles, il succède, en 1945, à son maître, André Marchal, à Saint-Germain-des-Prés. Vivant au Québec à compter de 1967, Antoine Reboulot y a enseigné dans les conservatoires et les universités. En tant qu’interprète, pianiste et organiste, il joue tant en France qu’en Amérique, réalise des enregistrements et est régulièrement invité à la radio. Comme compositeur, il signe des œuvres pour piano, orgue et musique de chambre. À la fin des années 1970, le service international de Radio-Canada lui commande une œuvre sur un texte de Paul Claudel, Le chemin de la croix.  Cette œuvre est présentée au concours du prix Paul-Gilson en 1980. Elle s’intitule: O crux ave. Les effectifs instrumentaux regroupent un orgue, un chœur mixte, des groupes de vents et de percussions et un récitant. En voici un court extrait. Extrait musical 12 

Cette contribution exceptionnelle des musiciens aveugles à l’école française d’orgue et à son rayonnement international, l’histoire la doit initialement à la vision, à la détermination et à la force de conviction de Valentin Haüy.

Monument de Valentin Haüy

L’œuvre de cet homme, de ses collaborateurs et successeurs, a rejailli sur le Québec au cours de la 2e moitié du XIXe siècle, lorsque Benjamin-Victor Rousselot

Photo de Benjamin-Victor Rousselot

et les Sœurs Grises de Montréal fondent, en 1861, l’Institut Nazareth, école mixte pour jeunes aveugles francophones catholiques.

Photo de l'Institut Nazareth rue Sainte-Catherine à Montréal

Les premiers locaux de cette école sont aménagés rue Sainte-Catherine à Montréal, à l’emplacement actuel de la Place-des-Arts 

Plaque commémorative installée à l’intérieur de la Place des Arts
entrée rue Sainte-Catherine.

 

Après plus de 70 ans d’activités éducatives en un même lieu, rue Sainte-Catherine, l’Institut Nazareth connaît deux déménagements successifs:

Photo de l'Institut Nazareth, chemin de la Reine-Marie à Montréal

l’un au cours des années 1930 vers le Chemin de la Reine-Marie

Photo de l'Institut Nazareth, chemin Saint-Michel à Montréal

et un deuxième au début des années 1940 vers le Chemin Saint-Michel, actuellement boulevard Crémazie.

Dans le même esprit qu’à l’Institut national des jeunes aveugles de Paris, l’enseignement de la musique est immédiatement lié à la formation scolaire à l’Institut Nazareth de Montréal. Cet enseignement prend véritablement forme au milieu des années 1870 grâce au concours d’une musicienne aveugle diplômée de l’Institut national des jeunes aveugles de Paris, Rosalie Euvrard.

Photo de Eulalie Euvrard

Arrivée à Montréal en 1876, elle collabore avec Paul Letondal au développement d’une école de musique à l’Institut Nazareth. Elle y travaille donc comme organisatrice et professeur jusqu’en 1881, alors qu’elle rentre en France.

Mais Paul Letondal,

Photo de Paul Letondalpère d’une famille de musiciens et d’artistes remarquables au Québec, poursuit sa collaboration avec les religieuses de l’Institut Nazareth. Très tôt, des élèves de ces maîtres pionniers sortent du rang et s’affirment comme interprètes, ne citons que:

– le brillant pianiste, Édouard Clarke,
– la chanteuse et pianiste, Eugénie Tessier

Né en France et formé à l’Institut national des jeunes aveugles de Paris, Paul Letondal s’installe à Montréal en 1852. Pianiste, organiste (attaché à l’Église du Gésu dès son arrivée), violoncelliste, compositeur et professeur, homme cultivé et musicien exceptionnel, Paul Letondal doit être considéré comme l’un des pionniers de la profession de musicien au Canada. Premier musicien aveugle connu à s’installer au Canada, on le retrouve partout: membre fondateur de l’Académie de musique de Québec, de la Revue canadienne, etc.

Arthur Letondal,

Photo de Arthur Letondal

grand musicien et professeur qui a très certainement hérité des dons de son père, mais non de sa cécité, a enseigné à l’Institut Nazareth pendant 55 ans, soit de 1900 à 1955. Sept des élèves de Arthur Letondal remportent le prix d’Europe et parmi eux: le pianiste et organiste aveugle, Paul Doyon,

Photo de Paul Doyon

la pianiste Gilberte Martin

Photo de Gilberte Martin

et le compositeur Clermont Pépin.

Photo de Clermont Pépin Ces deux derniers musiciens sont au nombre des personnalités musicales qui, tout au long de l’histoire de l’École de musique de l’Institut Nazareth, ont collaboré, avec les Sœurs Grises, à la formation de plusieurs générations de musiciens aveugles dont nous ne pouvons ici faire revivre que trop peu de noms et de réalisations.

1917 marque une date importante pour l’École de musique de l’Institut Nazareth qui, cette année-là, se voit octroyer son agrégation à la Faculté des arts de l’Université Laval de Montréal. L’Institut Nazareth devient ainsi la première école de musique à décerner des diplômes sanctionnés par l’Université. Lorsque l’Université de Montréal obtient son indépendance complète de l’Université Laval en 1920, l’école de musique de l’Institut Nazareth y est annexée. Les premiers bacheliers en musique de l’Université de Montréal formés à l’école de musique de l’Institut Nazareth sont:

– Armand Pellerin (1921),

Photo de Armand Pellerin (1921)

– Gabriel Cusson (1924),

Photo de Gabriel Cusson (1924)

– et Conrad Letendre (1926).

Photo de Conrad Letendre (1926) Parallèlement, deux élèves de l’Institut Nazareth obtiennent le prix d’Europe:

– Gabriel Cusson en violoncelle en 1924,
– puis Paul Doyon en piano en 1925.

Au cours de la même décennie, l’Université de Montréal décerne un doctorat honorifique à trois professeurs de l’école:

Romain-Octave Pelletier (1925)

Photo de Romain-Octave Pelletier (1925)

Arthur Letondal (1925)

Achille Fortier (1926)

Plus tard, l’Université de Montréal accorde la même reconnaissance à deux musiciens formés à l’Institut Nazareth: Alfred Lamoureux en 1937 et Paul Doyon en 1957.

Les programmes et comptes rendus des concerts annuels publics, présentés par les élèves avancés et les anciens élèves de l’Institut Nazareth à compter de 1883, révèlent:

– que le répertoire et les prestations sont de grande qualité,
– que les auditeurs y sont nombreux (entre 600 et 1500),
– que les auteurs français contemporains (Debussy, Ravel, Fauré, Honneger, Lily Boulanger, Vierne, Dupré) y sont abondamment joués,
– que la musique canadienne est au programme (Henri Gagnon, Achille Fortier, Pierre Vézina, Gabriel Cusson: ces deux derniers ayant étudié, puis enseigné à l’Institut Nazareth. Pendant de nombreuses années, la grande chorale et son accompagnateur en titre, Armand Pellerin, sont de tous les concerts.

Allons maintenant à la rencontre de quelques musiciens qui ont marqué les 115 ans d’existence de l’Institut Nazareth.

Photo de Alfred LamoureuxAlfred Lamoureux, élève à l’Institut Nazareth au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, y enseigne par la suite jusqu’en 1940, parallèlement à des activités pédagogiques dans de nombreuses autres institutions de Montréal. Chanteur: il se fait entendre dans de nombreuses églises. Compositeur: il laisse de la musique religieuse (messes, motets, deux oratorios et de la musique chorale). Auteur: il écrit un manuel d’histoire de la musique pour les couvents et les collèges.

Les Pellerin, Cusson, Doyon et Letendre sont accueillis à l’Institut Nazareth de la rue Sainte-Catherine au début du XXe siècle. Armand Pellerin, en plus d’assurer des fonctions d’organiste d’église à Montréal tout au long de sa carrière, exerce essentiellement ses fonctions pédagogiques à son alma mater. Accompagnateur hors pair, tant à l’orgue qu’au piano, il est de tous les concerts et de tous les offices avec la chorale et les instrumentistes.

Photo de Armand Pellerin devant une bibliothèque

Au cours des 10 dernières années de sa vie (il meurt en 1961), on le retrouve aux services de la bibliothèque à l’Institut national canadien pour les aveugles à Montréal.

Photo de Gabriel Cusson au piano

Né en 1903 et mort en 1972, Gabriel Cusson, grâce au prix d’Europe, poursuit ses études à l’École normale supérieure de musique de Paris de 1924 à 1930. Ses maîtres y sont Nadia Boulanger pour l’écriture et la composition, Charles Panzéra pour le chant et Diran Alexanian pour le violoncelle. Il obtient une licence d’harmonie et de contrepoint, ainsi qu’un premier prix de composition. De retour à Montréal, Gabriel Cusson participe à des concerts en tant que chanteur et violoncelliste. On l’entend également comme soliste, entre autres, aux églises Notre-Dame-de-Grâce et Saint-Léon de Westmount. L’enseignement de la musique, principalement de la culture de l’oreille et de l’écriture, occupe une place de premier plan dans les activités professionnelles de Gabriel Cusson. Son impressionnante carrière de professeur se déploie au Conservatoire de musique de Montréal (dès sa fondation), au Conservatoire de musique de Québec, à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et dans de nombreuses institutions religieuses d’enseignement dont l’Institut Nazareth. À cette intense activité pédagogique s’ajoutent 30 ans d’enseignement privé. Il va sans dire que plusieurs générations de musiciens ont reçu une partie importante de leur formation sous la direction de Gabriel Cusson. Une telle implication pédagogique, en particulier pour la formation de l’oreille, a débouché sur l’élaboration d’un ouvrage didactique considérable (quatre volumes d’exercices contenant l’essence de sa méthode de formation auditive) dont la publication est souhaitée par un grand nombre de musiciens et professeurs. Comme compositeur, Gabriel Cusson laisse des œuvres, toujours inédites, dont deux drames bibliques: Jonatas et Tobie présentés dans les collèges et alors fort bien accueillis par la critique. On lui doit également deux Suites pour orchestre, de la musique vocale et instrumentale. Nous allons entendre un bref extrait du 1er mouvement de la Sérénade de Gabriel Cusson enregistrée par l’Orchestre métropolitain sous la direction de Louis Lavigueur. Extrait musical 13   

 Comme Gabriel Cusson, Paul Doyon

Photo de Paul Doyon au piano

est né en 1903. Comme lui, il a étudié à l’Institut Nazareth, gagné le prix d’Europe et poursuivi ses études à l’École normale supérieure de musique de Paris. Paul Doyon, pianiste et organiste, s’accomplit dans la carrière d’instrumentiste et d’interprète.

«Il a une maîtrise du clavier telle qu’il semble avoir des doigts rapides comme l’éclair, des doigts qui eux voient», disait de lui Louis Vierne. Et Alfred Cortot d’ajouter: «Il est un musicien au goût très fin, d’une très grande facilité d’assimilation; il a la main de Rubinstein, le vrai, Anton, et la sonorité de Raoul Kuhnau».

Paul Doyon se fait entendre avec divers orchestres canadiens et étrangers dont celui des Concerts symphoniques de Montréal. Il joue à Windsor (Ontario) la Fantaisie pour piano et orchestre de Marcel Dupré en première audition nord-américaine avec l’orchestre symphonique de Detroit sous la direction de Paul Paray. Sa carrière de pianiste le conduit jusqu’aux Indes, au Japon et à Taïwan et le révèle au public sur les ondes de différentes radios nationales.

Photo de Paul Doyon à l'orgue

Forcément nomade comme pianiste, Paul Doyon est extraordinairement sédentaire comme organiste puisque, nommé titulaire des orgues de Notre-Dame-de-Grâce en 1921, il y demeure jusqu’en 1986, année de son décès.

D’un an le cadet de Gabriel Cusson et de Paul Doyon, Conrad Letendre

Photo de Conrad Letendre

se retrouve à l’Institut Nazareth au côté de plusieurs jeunes qui marqueront de leur empreinte le  milieu musical du Québec. Au cours de sa carrière, Conrad Letendre s’impose comme organiste, pédagogue, théoricien et compositeur. L’enseignement occupe une place de premier plan dans ses activités musicales. C’est à Saint-Hyacinthe, en 1927, que commence la vie musicale professionnelle d’organiste et de professeur de Conrad Letendre. Mais bientôt, son activité se partage entre cette ville et Montréal. Homme à l’esprit chercheur, il demeure, jusqu’en 1977 (année de son décès), un maître à penser. Ses élèves organistes (dont deux prix d’Europe: Raymond Daveluy et Kenneth Gilbert) fondent le groupe Conrad Letendre. C’est parmi cette phalange d’organistes qu’il faut chercher les promoteurs du renouveau de l’orgue amorcé à Montréal au début des années 1960. La Maison Casavant adopte, lors de la construction d’orgues aux dimensions imposantes, les idées de Conrad Letendre sur la composition de l’instrument. Ses recherches le conduisent également à l’élaboration d’un nouveau système d’harmonie érigé en un traité considéré par plusieurs comme l’oeuvre la plus importante de Conrad Letendre. Les principes de son système d’harmonie alimentent une large part de son activité pédagogique, entre autres, à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. En 1970, deux de ses disciples, Jean Chatillon et Michel Perrault, fondent, à Montréal, l’Institut des sciences musicales Conrad Letendre, Institut qui devient, par la suite, Pentatonal inc.

«L’école d’orgue actuelle au Québec ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans la génération de musiciens organistes qu’a formé ce maître de grande envergure», écrit Gaston Arel à l’occasion du 10e anniversaire de la mort de Conrad Letendre, soit en 1987, alors que quelques-uns de ses élèves lui rendent hommage dans le cadre d’un concert donné à l’église du Gésu.

La maison Jacques Ostiguy a publié L’œuvre d’orgue de Conrad Letendre. Nous en écouterons l’une des pièces: Ça bergers dans une interprétation de John Vandertuin. Extrait musical 14 

John Vandertuin

Photo de John Vandertuin

est organiste à Saint-James Anglican Church à Brantford. C’est sur les orgues de cette église qu’il a joué, pour la première fois à l’extérieur du Québec, cette œuvre de Conrad Letendre. Considérant l’âge de John Vandertuin, on pourrait le dire petit-fils de Conrad Letendre. Mais considérant sa formation, il n’appartient pas à la lignée de l’Institut Nazareth.

À compter de 1967, John Vandertuin étudie à Brantfort. À 13 ans, il va travailler en France avec l’organiste et compositeur, Jean Langlais. À 14 ans, il fait ses débuts d’organiste de concert dans ce pays. Depuis, sa carrière se développe en France, en Hollande, aux États-Unis et au Canada où l’on peut, entre autres, l’entendre au réseau FM anglais de Radio-Canada. Montréal l’accueille à deux reprises dans le cadre des récitals d’orgue de l’Oratoire Saint-Joseph où il ajoute au grand répertoire des improvisations et de ses propres compositions. Diplômé de l’Université Western (Ontario), son mémoire de maîtrise est consacré à Conrad Letendre.

De retour à l’Institut Nazareth, nous rencontrons deux autres musiciens professionnels de générations différentes: Jeannine Vanier et Denis Regnaud.

Jeannine Vanier,

Photo de Jeannine Vanier

organiste, professeur et compositeur, est titulaire des orgues de l’église Saint-Paul-de-la-Croix à Montréal de 1952 à 1974. Son activité pédagogique s’exerce, entre autres, à l’Institut Nazareth, à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et en studio privé. Elle remporte plusieurs prix d’orgue et de composition. Quelques-unes de ses œuvres ont été publiées, puis enregistrées sur disque. Les professeurs de piano et nombre de jeunes élèves connaissent sans doute ses Cinq pièces enfantines qui figurent au répertoire du programme de l’Académie de musique de Québec.

Denis Regnaud,Photo de Denis Regnaudque nous avons entendu dans une œuvre de John Stanley, poursuit ses études musicales supérieures à l’Université de Montréal, puis à l’Académie de musique de Vienne d’où il est diplômé en clavecin et en orgue. En 1986, il obtient un Ph.D. en interprétation clavecin à l’Université de Montréal. Comme instrumentiste, il donne des récitals en Europe et au Canada. Il participe à de nombreuses émissions sur les ondes de Radio-Canada et réalise des enregistrements discographiques. Il est présentement (1990) organiste à l’église Notre-Dame-de-Lourdes à Verdun. Avant de devenir réalisateur, puis, depuis 1987, chef du service des émissions musicales au FM de Radio-Canada, il a enseigné au Cégep Saint-Laurent, à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et à l’Université d’Ottawa.

Bien sûr, au cours des 115 ans d’existence et d’activités musicales intenses à l’Institut Nazareth (ces quelques photos en témoignent),

Ensemble à cordes de l’Institut Nazareth
Trio à cordes Institut Nazareth

Quintette  (2 violons, alto, violoncelle, piano)

quintette de l’Institut Nazareth

Ensemble vocal et instrumental de l’Institut Nazareth

 

des générations de musiciens aveugles ont été formés et nombre d’entre eux ont apporté et apportent encore des contributions importantes à la vie musicale de leur milieu. Qui lit Le Devoir, par exemple, ne sait peut-être pas que le critique musical de ce journal, Carol Bergeron, pianiste, professeur et homme de grande culture, est un ancien élève de l’Institut Nazareth.

Et la liste des exemples de vies professionnelles bien remplie pourrait s’allonger. Mais nous devons cependant quitter cette grande famille de musiciens de l’Institut Nazareth pour rencontrer quelques musiciens aveugles canadiens dont la formation musicale provient d’autres sources.

Si la première filiation des musiciens aveugles canadiens va de Paris à Montréal, on rencontre, avec Pierre Gautier, la filiation Paris Ottawa. En effet, après avoir amorcé une carrière musicale en France, Pierre Gautier arrive au Canada en 1920 et s’installe à Ottawa. Il y est organiste et professeur. Il compose de la musique religieuse, dont plusieurs messes, et effectue un important travail d’harmonisation de chansons. De plus, il collabore à plusieurs publications de musique religieuse.

La filiation d’Auguste Liessens va de Bruxelles à Sorel. Né à Ninove près de Bruxelles, Auguste Liessens étudie d’abord à l’Institut royal pour les aveugles puis au Conservatoire de cette ville. C’est à la demande des Frères de la Charité qu’il vient à Sorel en 1913 pour y enseigner la musique au Collège du Mont St-Bernard. Organiste, directeur de la fanfare, fondateur et directeur de la Société chorale Liessens pour laquelle il écrit plusieurs œuvres, Auguste Liessens joue un rôle majeur dans la vie musicale de Sorel.

 Avec Mary Munn,

Photo de Mary Munn au piano

Source : Archives de Vancouver

 

pianiste et professeur de la génération des Cusson, Doyon et Letendre, c’est plutôt la filiation Londres Canada qui s’affirme. Mary Munn, née aveugle d’une famille de l’élite montréalaise, acquiert une formation de pianiste, d’abord à Montréal, puis à Londres, et fait ses débuts de pianiste concertiste dans ces deux villes en 1931. Elle poursuit cette carrière jusqu’aux années 1950 environ, se faisant entendre avec des orchestres canadiens et étrangers. Par la suite, elle s’implique dans l’enseignement du piano, entre autres, à Calgary et à Victoria. En 1973, Mary Munn occupe le poste de directrice du Conservatoire de musique de Calgary.

Avec Antonin Kubalek,

Photo de Antonin Kubalek

l’apport d’un musicien aveugle nous vient de Tchécoslovaquie où il est né en 1935. Devenu aveugle à 10 ans lors d’un accident, il fréquente une école pour aveugles à Prague. Il y commence ses études de piano qu’il continue au Conservatoire de Prague, puis à l’Académie de musique. De 1961 à 1968, il mène parallèlement une carrière de professeur au Conservatoire de Prague et de concertiste; il joue à la radio et signe des enregistrements pour la Maison Supraphon. C’est au Canada qu’il poursuit sa carrière à compter de 1968. Il y fait ses débuts à l’Université de Toronto en 1969. Récitals, concerts avec orchestres, émissions de radio et enregistrements sur disques jalonnent la vie professionnelle de Antonin Kubalek. Au cours de la saison 1974-1975, il présente, à Toronto, l’intégrale des sonates de Mozart. Il se distingue par son intérêt pour la musique tchèque et canadienne du XXe siècle. À cet égard, Antonin Kubalek s’exprime ainsi: «Depuis le début de ma carrière d’interprète, j’ai toujours tenu à inclure dans mes récitals des premières de compositions nouvelles, ou au moins des œuvres peu connues du XXe siècle. (…) tout interprète a le devoir moral de se faire le champion des œuvres musicales de son temps.» Cela ne l’empêche pas d’aborder le grand répertoire romantique de façon tout à fait personnelle, comme en témoigne Glenn Gould: «Son interprétation de Schumann et de Brahms est un remarquable mélange de liberté, d’improvisation et de contrôle structurel: grâce à un jeu si original, notre compréhension de l’architecture musicale est améliorée précisément en raison de la rare spontanéité avec laquelle elle est réalisée».

Écoutons le pianiste, Antonin Kubalek, jouer une Valse de son compatriote, émigré au Canada la même année que lui, Milan  Kymlicka. Cette pièce fait partie d’un groupe de Quatre Valses, oeuvre datant de 1984.  Extrait musical 15 

Au pays de Kubalek, la Tchécoslovaquie, on retrouve une institution originale: le Conservatoire pour les jeunes aveugles. Bien sûr, à Paris, d’une part, l’Institut national des jeunes aveugles, et à Montréal, d’autre part, l’Institut Nazareth, ont joué, selon plusieurs, un rôle semblable dans leur milieu respectif sans en avoir la structure. À Prague, cette institution accepte, après examen d’entrée, des enfants doués et les prépare très sérieusement à une carrière musicale professionnelle en pédagogie. Ce Conservatoire a formé plus de 300 professeurs dont le travail est grandement apprécié, entre autres, dans les écoles publiques d’art. Cette institution organise également des récitals et concerts.

La ville de Prague est également le siège, depuis 1975, d’un concours international de musique pour interprètes et compositeurs aveugles. Le Conservatoire de musique des jeunes aveugles joue un rôle important dans l’organisation de ce concours. Les épreuves se tiennent à tous les trois ans. En 1985, le premier prix du concours de composition est accordé au danois, Leif Martinussen. Le compositeur espagnol, José Fermin Gurbindo est lauréat de ce même concours en 1978, 1981 et 1985. Au quatrième concours d’interprétation, en 1984, le violoniste japonais aveugle, Takaoshi Wanami, est membre du jury et soliste au concert avec orchestre.

Le rayonnement de Valentin Haüy atteint le Danemark au début du XIXe siècle, alors qu’une organisation charitable prend d’abord en charge l’éducation des aveugles en 1812. Cette organisation est mutée en un Institut d’État en 1858. Il est intéressant d’observer que l’Institut Nazareth de Montréal, qui n’est toutefois pas un Institut d’État, est fondé trois ans plus tard, soit en 1861.

À Copenhague, comme à Paris, à Montréal et dans plusieurs autres villes, la musique occupe, dès le début de la scolarisation des aveugles, une place importante dans l’éducation. Des grands maîtres du milieu musical s’intéressent et participent à cette formation. L’Académie royale de musique du Danemark, comme le Conservatoire national supérieur de Paris, a été étroitement impliquée auprès de l’Institut des aveugles de Copenhague. Encore aujourd’hui, cet Institut a une école de musique où la formation des organistes est offerte en collaboration avec le Conservatoire danois de Copenhague qui décerne le diplôme terminal en musique sacrée.

La fonction d’organiste et de chef de chœur est bien considérée et bien rémunérée au Danemark; c’est donc une profession très recherchée par les musiciens aveugles. Le chômage est jusqu’ici inconnu, de préciser la directrice de l’école de musique. Par conséquent, plusieurs musiciens aveugles deviennent de bons organistes, mais aussi des professeurs compétents et appréciés, des interprètes remarqués et d’intéressants compositeurs. Au nombre de ces musiciens, nous pouvons citer:

Leif Martinussen,

Photo de Leif Martinussen à l'orgue

organiste et compositeur né à Copenhague en 1941, fait carrière au Danemark et aussi à l’étranger; ses oeuvres sont publiés par la maison Egtved (Copenhague, Danemark);

Laurids Lauridsen

Photo de Laurids Lauridsen

né en 1882 et mort en 1946, est également organiste et compositeur; ses œuvres sont publiées par la maison Wilhelm Hansen (Copenhague, Danemark);

Henning Riiser

Photo de Henning Riiser à l'orgue

dont les œuvres sont publiées à compte d’auteur: Éditions Jahr (Hillerod, Danemark);

Leif Ralmov Svendsen

Photo de Leiv Ralmov Svendsen

En route vers l’Espagne du XXe siècle, nous sommes retenus en Allemagne, et plus exactement à Frankfort, par un organiste tout aussi exceptionnel que réputé: Helmut Walcha. Né en 1907, la même année que Jean Langlais, Helmut Walcha

Photo de Helmut Walcha à l'orguea mené parallèlement une intense activité pédagogique et une impressionnante carrière d’organiste et de concertiste. De plus, parce qu’il ne trouvait plus d’orgues en bon état pendant la guerre, il s’est mis au clavecin dont il est devenu virtuose.

C’est au cours des années 1970 qu’il met un terme à sa carrière de professeur après avoir formé plus de 200 organistes de toutes nationalités. C’est au printemps de 1981 que Helmut Walcha, toujours au sommet de son art, fait ses adieux à la carrière publique d’organiste et de concertiste.

La réputation internationale de Helmut Walcha naît lors de son premier enregistrement de l’œuvre complet de Jean-Sébastien Bach, musique jouée sur des orgues historiques au cours des années 1940 et au début des années 1950. C’est la maison Deutsche Grammophon qui produit cette intégrale sur étiquette Archiv. Mais sa discographie, centrée sur la musique de Jean-Sébastien Bach, compte également de la musique allemande ancienne. Helmut Walcha a reçu, en 1970, le Grammophon d’or attestant de sa renommée mondiale.

Homme de réflexion et de concentration, musicien discipliné et sans cesse à la recherche de l’équilibre, il connaît de mémoire, non seulement l’œuvre d’orgue de Bach mais aussi l’œuvre pour clavecin et Lart de la fugue.

Écoutons un court extrait du Petit livre d’orgue de Jean-Sébastien Bach dans une interprétation de Helmut Walcha. Extrait musical 16  

Vous avez peut-être reconnu, au début de notre rencontre, le Concerto de Arenjuez du compositeur espagnol, Johachim Rodrigo.

Photo de Johachim Rodrigo

La cécité de Rodrigo date de son enfance. Il commence ses études à Valence; il se rend en Allemagne en 1922 où il écrit ses premières compositions, puis à Paris où il travaille, entre autres, avec Paul Dukas. Ce célèbre concerto d’Arenjuez qui tire son nom d’un palais royal des environs de Madrid, résidence estivale des Bourbons, date de 1939. Cette œuvre fut accueillie avec un enthousiasme qui ne s’est jamais démenti et a exercé une influence déterminante sur l’évolution de la guitare au XXe siècle. C’est la première composition importante de Rodrigo. Le catalogue de ses créations ne s’achève pourtant pas là. On y retrouve, entre autres, des concerti (pour deux et pour quatre guitares, pour violon, violoncelle, piano et harpe), ainsi que de la musique vocale et instrumentale.

Né la même année que Johachim Rodrigo, soit en 1902, Rafael Rodriguez Albert

Photo de Rafael Rodriguez Albert

est, comme ce dernier, compositeur et aveugle. Parallèlement à ses études musicales au Conservatoire de Valence, il étudie le droit, la philosophie et les lettres. Il signe une œuvre abondante dont la période de création s’étend de 1925 à 1977; il meurt en 1979. Cette œuvre comprend de la musique vocale, de la musique de chambre et de la musique symphonique. Rafael Rodriguez Albert voit de ses œuvres primées lors de concours nationaux et aussi lors du concours international de musique de Liège. Toutefois, il perd un grand nombre de partitions lors des bombardements d’Alicante pendant la guerre civile espagnole. Rafael Rodriguez Albert ajoute à ses activités de compositeur des tournées de concerts et de conférences, de l’enseignement privé, ainsi que de l’enseignement dans les collèges pour aveugles d’Alicante, Grenade et Madrid.

Le pianiste espagnol, José Ortiga,

Photo de José Ortiga au piano

ayant perdu accidentellement la vue à l’âge de 5 ans, fait ses premières études au Collège national des aveugles de Madrid. Il est d’ailleurs né dans cette ville en 1923. José Ortiga joue beaucoup à la radio, fait des tournées de concerts dans divers pays d’Europe et grave des disques dont deux œuvres de son compatriote Rafael Rodriguez Albert.

 José Fermin Gurbindo,

Photo de José Firmin Gurbindo

mort dans un accident de la route en 1985 à l’âge de 50 ans, est un accordéoniste virtuose et compositeur atteint de grave déficience visuelle. José Fermin Gurbindo a enseigné l’harmonie dans les collèges de l’Organisation nationale des aveugles, laquelle présente, en 1986, au Théâtre royal de Madrid, un concert en hommage au musicien. Une grande partie de la programmation de ce concert a été gravée sur disques. José Fermin Gurbindo a été plus d’une fois lauréat de concours internationaux d’accordéon et du concours international de musique des compositeurs aveugles à Prague, comme nous l’avons indiqué précédemment.

Prêtons l’oreille à sa musique, ici, le début d’une Fantaisie pour accordéonExtrait musical 17 

De la même génération que José Fermin Gurbindo, le violoniste espagnol, Haïm Zur, est un musicien actif qui joue en concert, fait de l’enseignement, travaille pour la radio, s’occupe d’ethnomusicologie et s’adonne à la composition. Haïm Zur parle 8 langues. Disciple d’Isaac Stern, il donne son premier concert à 13 ans avec l’Orchestre de la Radio d’Israël. Il continue d’enregistrer avec cet orchestre. Haïm Zur perd la vue à 24 ans.

Nous terminons notre tour d’Espagne du XXe siècle chez les musiciens aveugles en compagnie d’un jeune compositeur Juan Briz.

Photo de Juan Briz

Il acquiert une excellente formation d’instrumentiste (piano et orgue) et de compositeur (écriture, folklore, instrumentation, musicologie, musique non occidentale et composition) à Saragosse puis à Madrid. Boursier de l’Institut musical de Darmstadt en 1978, il assiste au cours international de musique nouvelle. Juan Briz contribue, de façon importante à la richesse de la création musicale contemporaine en Espagne. Son œuvre compte déjà de la musique de scène, de la musique de chambre, de la musique vocale, instrumentale et symphonique.

Juan Briz se reconnaît une union spirituelle avec Pablo Bruna, ce musicien espagnol aveugle du XVIIe siècle. Il partage avec lui la passion pour la musique et la sensibilité du toucher, comme l’ont également partagées des Cabezzon et Fuenlana, au XVIe siècle, jusqu’au Rodriguez Albert et Joachim Rodrigo au XXe siècle. C’est ainsi que, lors du tricentenaire de la mort de Pablo Bruna en 1979, Juan Briz écrit: Differencias op. 53, la plus vaste et ambitieuse de ses œuvres pour piano. Differencias est retenue par la Société internationale de musique contemporaine pour les journées mondiales de la musique en 1982, journées tenues à Graz en Autriche. Plus récemment, Juan Briz a écrit une œuvre à la mémoire de son compatriote, José Fermin Gurbindo. Certaines des œuvres de Juan Briz ont fait l’objet d’enregistrements discographiques.

Cette jeune génération de musiciens aveugles nous entraîne maintenant à Tokyo où est né en 1945, Takayoshi Wanami, violoniste de carrière.

Photo de Takayashi Wanami au violon

Aveugle de naissance, il commence l’étude du violon à 4 ans. Très tôt, il gagne de nombreux prix dans des concours nationaux prestigieux. En 1963, il entre au Conservatoire de Toho à Tokyo étant ainsi le premier aveugle à être accepté dans cette institution. La même année, il joue le concerto de Glazounov avec l’Orchestre philharmonique du Japon. L’année suivante, en 1964, il fait une tournée aux États-Unis avec le Conservatoire de Toho et est soliste à New-York et à San-Francisco dans le 2e concerto de Bach. Lauréat des concours Long-Thibault en 1965 et Karl Flesh en 1970, il reçoit aussi la médaille Ysaye de la Fondation Ysaye à Bruxelles. Depuis 1965, Takayoshi Wanami donne des concerts et récitals au Japon. Il a présenté, entre autres, la première exécution du Concerto de Hindemith dans ce pays. Il est également un soliste très recherché en Europe. Il fait ses débuts à Londres et à Berlin en 1969. On lui connaît une discographie importante, mais qui ne semble pas disponible chez nous.

Voici Takayoshi Wanami dans la cadence du Concerto pour violon et orchestre de Tchaikovsky. Extrait musical 18 

Au pays de Takayoshi Wanami, les musiciens aveugles ont, au cours de l’histoire, grandement contribué au développement de la culture. Il y a, encore actuellement, malgré des transformations sociales importantes, des interprètes exceptionnels de koto qui sont aveugles et, parmi eux, d’importants compositeurs.

Joueuse de koto

On doit à des musiciens aveugles

-L’accès du koto au grand public, instrument initialement réservé à l’aristocratie;
-La révélation du koto à l’Occident;
-Le renouvellement du jeu du koto et la propagation de sa pratique.

Avant la période Edo qui débute au XVIIe siècle, les musiciens aveugles très cultivés s’étaient donnée une organisation appelée Za, laquelle était soutenue par l’aristocratie, les samouraïs et les religieux.

Durant la période Edo, soit de 1603 à 1868, la contribution des musiciens aveugles à la culture de la Renaissance n’a pas été oubliée: ils furent protégés par la cour et les shoguns, ce qu’on appellerait aujourd’hui, un office des professions. Dès lors, la musique et l’acupuncture deviennent la prérogative des aveugles et leurs principales sources de revenus. Seuls les aveugles sont autorisés à enseigner les instruments de musique traditionnels japonais tels que: koto, shamisen et biwa. Or l’apprentissage de ces instruments était une composante centrale de l’éducation des filles chez les samouraïs et au sein des familles fortunées de la période Edo. Ces instruments de musique étaient au Japon ce que sont le piano, le violon et le violoncelle à l’Europe.

En ces temps, aucun voyant n’avait le droit d’être professeur de ces instruments, la profession étant strictement réservée (comme l’acupuncture d’ailleurs) aux aveugles. C’est en 1873 que le Gouvernement japonais retire aux aveugles les privilèges consentis pendant la période Edo. Après plus de 250 ans d’interdit, les voyants retrouvent le droit d’enseigner le koto. Présentement, ce sont les femmes voyantes qui constituent le noyau le plus important de professionnels qui enseignent le koto. Il y a actuellement environ 500 musiciens aveugles au Japon dont 400 sont des joueurs de koto. À Tokyo, on retrouve entre 20 et 30 professeurs aveugles de koto. Écoutons le son du koto. Extrait musical 19 

Depuis la fin du XIXe siècle, les autorités éducatives du Japon ont concentré leurs efforts sur la musique occidentale, versus la musique traditionnelle, mais les écoles pour aveugles semblent avoir été oubliées à cet égard.

Après cette échappée en Asie, c’est en France, au pays de Valentin Haüy, que nous ferons notre dernière halte.

Parmi les jeunes musiciens aveugles en pleine activité, nous retrouvons le pianiste, Gérard Glatigny.

Photo de Gérard Glatigny au piano

Sa formation le conduit de l’Institut national des jeunes aveugles au Conservatoire national supérieur de musique de Paris où il obtient un premier prix en piano en 1974, puis à l’École normale supérieure de musique où il obtient une licence de concert en 1975. Depuis, il donne des récitals, joue dans le cadre de divers festivals, se fait entendre à la radio, réalise des enregistrements discographiques et dirige une classe de piano.

Le trompettiste, professeur et compositeur, Maurice Gourgues, se présente comme un homme original.

Photo de Maurice Gourgues, couché sur le dos, jouant de la trompette, avec la Tour Eiffel en arrière plan.

Il décroche des récompenses tout aussi sérieuses que prestigieuses: premier prix de trompette au Conservatoire de Bordeaux, premiers prix d’esthétique et d’analyse musicale au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, agrégation en musique. Il poursuit une triple carrière d’instrumentiste, de professeur et de compositeur. Bien que la trompette demeure son instrument de prédilection, les claviers, et particulièrement le synthétiseur, occupent une place croissante dans sa démarche actuelle. Sa musique prend ses racines tant dans le jazz, dans les musiques balinaise et indienne que dans les chants pygmées.

Musicien à la sensibilité et au raffinement des plus rares, ainsi parle-t-on de notre dernier artiste de ce jour, le pianiste français, Bernard d’Ascoli.

Photo de Bernard d'Ascoli

Il est né dans le Midi de la France en 1958 et est aveugle depuis l’âge de trois ans. Il complète des études générales brillantes et, à 15 ans, devient le plus jeune bachelier de France. Il découvre d’abord l’orgue sur lequel il donne son premier récital à 12 ans. Il se met parallèlement à l’étude du piano, ainsi qu’à l’étude du contrepoint, de l’harmonie et de la fugue au Conservatoire de Marseille. Il donne ses premiers récitals de piano à 14 ans. À compter de 1977, ses participations à plusieurs grands concours internationaux lui valent un très grand nombre de récompenses dont le premier prix au Concours Maria-Canal de Barcelone. Quelques années plus tard, il est au nombre des premiers lauréats au concours international de Leeds en Angleterre. Il fait ses débuts dans ce pays en 1982 et depuis joue avec tous les orchestres britanniques importants. En plus de jouer dans plusieurs pays européens, il se fait entendre aux États-Unis, en Australie, au Japon où il fait ses débuts à Tokyo en 1988.

Au nombre des œuvres de sa discographie, on retrouve: La sonate de Liszt, le Prélude, choral et fugue de Franck et un choix des grandes pages de Chopin. Les critiques de la presse réservent à Bernard d’Ascoli un accueil et des commentaires des plus enthousiastes. Écoutons-le dans la première Balade de Chopin. Extrait musical 20

Arrivés au terme de notre long voyage au cours duquel nous avons franchi plusieurs siècles et plusieurs frontières pour aller à la rencontre de personnalités musicales importantes et influentes qui toutes sont aveugles, je vous remercie de votre présence et de votre stimulante attention. Je remercie également le Festival international de musique de Montréal de son accueil.

Permettez-moi de vous offrir une dernière réflexion du grand écrivain Luis Borges:

«On ne doit pas considérer la cécité de façon pathétique; c’est un mode de vie comme un autre».

La cécité ne porte pas en elle-même des facteurs réducteurs de l’être humain. N’est-ce pas ce que nous ont dit, à leur manière, tous les musiciens que nous avons rencontrés aujourd’hui?

Extrait musical 21Frédéric Chopin, Andante spianato et grande polonaise en mi bémol majeur op. 22

Nicole Trudeau Ph.D.
Invitée par le Festival international de musique de Montréal
Le 10 septembre 1990 (Photo du programme dudit Festival)

 

 

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BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES :

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(Article reproduit dans la publication en braille de l’Association Valentin Haüy, Revue musicale / vol. 44, no 317, juillet-août 1992 / p. 3-19).

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HUOT, Cécile / Entretiens avec Omer Létourneau / Montréal, Quinze, 1979 / 232 p.

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DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPÉDIES :

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KALLMANN, Helmut, Gilles POTVIN et Kenneth WINTERS / Encyclopédie de la musique au Canada, / Montréal, Fides, 1983 / 1142 p. (publiée en ligne)

ROLAND-MANUEL, Alexis (dir.) / Histoire de la musique (2 vol.) / Paris, Gallimard, 1960-1963 / 2056 p., 1705 p. (Coll. Encyclopédie de la Pléiade).

THOMPSON, Oscar (dir) / The International Cyclopedia of Music and Musicians / New York, Toronto, Toronto, Dodd, Mead et & Co, London, J.M. Dent and Sons, 1975 / 2511 p.

VIGNAL, Marc (dir.) / Larousse de la musique (2 vol.) / Paris, Librairie Larousse, 1982 / 1803 p.

AUTRES SOURCES :

Sœurs de la charité, Montréal, archives

Société Radio-Canada, Montréal, archives sonores

Les musiciens par eux-mêmes

Paul Doyon / 12 novembre 1978
Jean Langlais / 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 1974
Conrad Letendre / 16 janvier 1976
Gaston Litaize / 28, 29, 30 novembre et  1er décembre 1972
André Marchal /  25, 26, 29 et 30 mars 1976
Antoine Reboulot / 1er octobre 1977 et 15 avril 1978

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Association tchèque des aveugles et amblyopes / Prague, République tchèque

Association Valentin Haüy 

Institut national des jeunes aveugles

Musée Valentin Haüy, / 5, rue Duroc, 75007 Paris, France

Organización Nacional de Ciegos Españoles

Union Générale des Auteurs et Musiciens Professionnels Aveugles

 

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Extraits musicaux :

Liste des extraits musicaux insérés dans la conférence et reportés sur youtube pour en permettre l’écoute.

M1
RODRIGO, Joaquin / Concierto de Aranjuez / Angel Romero, guitare / London Symphony Orchestra / EMI CDC-7 47693 2

M2
LANDINI, Francesco / Angelica beltà / Elena Polonska, harpe / VOX 35013

M3
CABEZON, Antonio de / Tiento / Francis Chapelet, orgue / Harmonia Mundi France HM 765

M4
STANLEY, John / Voluntary no 9 / Denis Regnaud, orgue / Phonovox VOX 78292-2

M5
MOZART, Wolfgang Amadeus / Concerto pour piano K456

M6
CHOPIN, Frédéric / Nocturne no 2 in E-flat major, op. 9 no 2 / Bernard d’Ascoli, piano / Minerva Athene 23201

M7
VIERNE, Louis / 1re symphonie pour orgue en ré mineur op. 14 / Jacques Boucher, orgue / REM 11047-1

M8
VIERNE, Louis / 3e symphonie pour orgue en fa dièse op. 28 / Antoire Reboulot, orgue / REM 11048-3

M9
FRANCK, César / Prière, op. 20 / André Marchal, orgue / Erato LDE 3070

M10
LANGLAIS, Jean / Missa in simplificate / Jean Langlais, orgue / Jeannine Collard, mezzo-soprano / Ducretet-Thomson 270-C-003

M11
LITAIZE, Gaston / 24 préludes liturgiques / Gaston Litaize, orgue

M12
REBOULOT, Antoine / O crux ave / Pierre Grandmaison, orgue / Ensemble instrumental de Radio-Canada / Choeurs de Radio-Canada / Sous la direction de Raymond Dessaint / Radio-Canada International RCI 523

M13
CUSSON, Gabriel / Sérénade / Orchestre métropolitain / Sous la direction de Louis Lavigueur / Société Radio-Canada SMCD 5090

M14
LETENDRE, Conrad / Ça, bergers / John W. Vandertuin, orgue

M15
KYMLICKA, Milan / Four Valses / Antonin Kubalek, piano / Dorian Records DOR-90102

M16
BACH, Johann Sebastian / Petit livre d’orgue – Orgelbüchlein : 45 chorals pour orgue, BWV 599 à 644 / Helmut Walcha, orgue / Archiv 14021APM et 14022APM

M17
GURBINDO, Firmin / Fantasia para acordeon / Bogdan Precz, accordéon / ONCE MC-2038704

M18
TCHAIKOVSKI, Piotr Illitch / Concerto for violon and orchestra, op. 35 / Takayoshi Wanami, violon / Chandos 6558

M19
COLLECTIF / Japon éternel / Arion ARN 33 234

 M20
CHOPIN, Frédéric / Ballade no. 1 in G minor, op. 23 / Bernard d’Ascoli, piano / Nimbus Record NI 5249

M21
CHOPIN, Frédéric / Andante spianato and Grande Polonaise in E flat major, op. 22 / Bernard d’Ascoli, piano / Nimbus NI 5249

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Source :

L’apport des musiciens aveugles à la vie musicale / Conférence présentée par Nicole Trudeau Ph.D. à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur / Montréal, le 10 septembre 1990 16:30, dans le cadre du Festival international de musique de Montréal

Programme officiel du Festival International de musique de Montréal : Piano et cordes du 6 au 15 septembre 1990 présenté par Hydro-Québec / Programmation pédagogique,  Série Forum, p. 25

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Informations complémentaires : 

Des projections visuelles et des extraits musicaux illustrent le propos.

Cette conférence n’a pas été publiée.

Cette conférence a été reprise dans les institutions suivantes :

Conservatoire de musique de Québec, 27 février 1991;
Université de Montréal, Faculté de musique, 14 mars 1991;
Institut national canadien pour les aveugles (Montréal), juin 1991;
Université de Sherbrooke, Antenne universitaire du 3e âge de l’Université de Sherbrooke en Montérégie, Programme de formation continue des personnes aînées;
Centre communautaire Saint-Michel, Saint-Lambert, 8 octobre 1997.

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