Une réalité oubliée

19 mai 2020

Il y a plus de deux mois que les personnes atteintes de cécité partielle et totale sont, comme toutes les autres, sous le coup de la distanciation sociale obligée.

Cependant, cette consigne les affecte de façon particulièrement inhibante puisque, dans la majorité des situations un accompagnement leur est nécessaire pour circuler à l’extérieur: pour prendre l’air, pour se garder en forme. La consigne contraignante crée un surhandicap.

Or, jusqu’ici, c’est silence radio total sur cette réalité.

Où sont les organismes de réadaptation et de promotion?
Que pensent-ils?
Que disent-ils?
Que font-ils?
Que proposent-ils?

Ils offrent de l’assistance pour les courses: fort bien.

Ils copient des livres audio: fort bien.

Quoi d’autres?
Qui parle à la santé publique?
Qui réfléchit à des aménagements possibles?
Qui propose des solutions adaptées?

Bien sûr, la parole d’un individu n’a jamais le poids de celle des organismes, mais j’ai décidé de prendre la parole en écrivant à la journaliste Isabelle Porter du Devoir pour lui demander de mettre sous le projecteur notre réalité oubliée (pour ne pas dire ignorée) lors d’un point de presse du premier ministre.

Voici le message que je lui adressais ce mardi, 19 mai 2020.

Se rendra-t-il à destination?

Bien sûr, je le souhaite et j’invite les personnes touchées par notre réalité à s’exprimer au-delà de leur propre milieu.

«On est jamais mieux servit que par soi-même», dit-on.

Alors, essayons.

—-

Madame Isabel Porter, Journaliste
Le 19 mai 2020

Bonjour Madame,

Je me permets de m’adresser à vous qui êtes aux conférences quotidiennes du Premier ministre pour vous demander de porter à son attention et à sa réflexion, si vous le voulez bien, une réalité oubliée qui affecte lourdement la population qui vit avec une cécité totale ou partielle.

L’impérieuse consigne de distanciation sociale imposée à tous et applicable par la majorité constitue un surhandicap pour ceux dont la vue complique très sévèrement les déplacements et qui renforce leur isolement à long terme.

Tenir le bras ou donner le bras à un accompagnateur rend évidemment impossible la distanciation. Ne pourrait-on pas considérer un accompagnement avec les protections adaptées: masque, gants, lunettes?

Il est souvent dit que le masque doit être utilisé lorsque la distanciation sociale est impossible. Est-ce que cela ne pourrait pas être également appliquée et pratiquée par les personnes déficientes visuelles accompagnées?

J’apprécierais grandement votre intervention pour soumettre cette réalité à l’équipe gourernementale.

Merci Madame d’accepter d’être la porte-parole des déficients visuels et ainsi de contribuer à clarifier la situation et de nous permettre de « sortir de prison » sans, bien entendu, être des vecteurs de contamination.

Une réflexion éclairée et une consigne adaptée sont espérées. Une information claire est nécessaire.

Recevez, Madame, mes respectueuses salutations.

Nicole Trudeau

4 réponses sur “Une réalité oubliée”

    1. Bonjour Lucie,

      Voici l’accusé réception de Madame Porter :

      «Merci pour la suggestion, je vais en parler à mes collègues.»

      Le sujet n’a jamais été abordé en conférence de presse.

      L’Assemblée nationale ayant repris ses activités, j’ai demandé que le sujet soit soumis à cette tribune. Je me suis adressée à cette fin au Parti québécois et voici la réponse que j’ai reçue du cabinet de Pascal Bérubé.

      «(…) Ça va de soi que les personnes qui accompagnent les handicapés visuels peuvent les tenir par le bras en mettant un masque. Y’a pas une police qui va empêcher ça… Tu peux dire à Madame Trudeau qu’elle peut se faire aider sans aucune crainte », dixit Pascal Bérubé.

      Propos transmis par courriel par Bruno Pilote.

      Voilà des propos clairs qui n’ont pas encore été entendus dans l’espace public. Ils me redonnent de l’oxygène. Ils me prouvent, encore une fois, qu’il faut être proactif et persévérant pour les choses qui nous tiennent à coeur

      Nicole

  1. Bonjour Nicole,
    Commentaire 1: Merci pour cette démarche qui nous permettra peut-être de retrouver une partie de nos activités
    tout en étant accompagné de façon sécuritaire.
    Nos associations ont offert des services essentiels, et des activités sur internet…
    Mais rien pour aller marcher ou pour faire nos courses… Je suis déçue de ce silence …
    J’invite les gens à écrire un commentaire sur ce blog…
    et à se faire entendre auprès des autoritées afin que notre situation s’améliore.
    En espérant…

    Commentaire 2: J’espère que Mme Porter sera sensible à cette demande…
    J’invite les gens à écrire sur ce blog et à se manifester auprès des autorités
    afin d’amméliorer et de faciliter note vie…
    En espérant…
    Danielle

    1. Bonjour Danielle,
      Commentaire 1 : J’ai aussi « levé le drapeau » auprès de la Grande bibliothèque en m’adressant au Directeur général, Monsieur Jean-Louis Roy. La réponse
      est sans espoir puisqu’elle s’appuie strictement sur les consignes générales. Si des individus ont en main des livres en braille dont ils ont complété
      la lecture, ils peuvent se manifester à titre personnel.

      Commentaire 2 : Moi aussi j’encourage les individus à se faire entendre auprès des instances décisionnelles lorsqu’il est impossible de régler nous-mêmes
      des problèmes. Plus de voix s’élèveront, plus elles auront de chances d’être entendues. Et si Madame Porter acceptait d’être notre porte-voix, ce serait un plus.

      Nicole

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