31 décembre 2024
Après avoir entendu Thomas Schlesser parler de son roman, Les yeux de Mona, je n’avais qu’une envie, le lire le plus tôt possible. Malheureusement, ce titre n’était pas, à ma connaissance, encore disponible en braille. Oh! Surprise, je viens de découvrir sur Wikipedia, que
«Le livre est aussi édité en Braille, l’auteur affirmant avoir
C’est le Centre de transcription et d’édition en braille CTEB qui en a réalisé la transcription.
J’ai donc abordé la lecture en format audio, même si je préfère de loin la lecture dans le texte, lecture à laquelle je dicte mon propre rythme.
Pourquoi cette urgence à découvrir cet ouvrage? Parce que le sujet aborde une expérience qui m’a toujours fascinée, que j’ai toujours intensément désiré et que j’ai vécu ponctuellement: la description des œuvres d’art de manière à ce que je puisse me les approprier par l’intériorisation de la description verbale offerte encore trop rarement.
Par la magie d’un roman, un grand père érudit décrit et raconte 52 œuvres d’art à sa petite fille qui voit encore mais qui est menacée de perdre la vue. Ensemble, ils parcourent le Louvre, Orsay et Beaubourg à la découverte d’une œuvre d’art par semaine. Le grand père espère ainsi que la petite mémorisera ce bagage de beauté pour toujours même si l’épreuve anticipée s’avère.
Avec eux, par les connaissances du grand-père et les commentaires de Mona, Je découvre et visualise ces œuvres. De toute évidence, c’est l’auteur érudit et historien d’art, Thomas Schlesser, qui met les mots dans la bouche du grand-père convaincu que
«Les mots dessinent».
Tellement d’accord! Ils gravent même.
Quant à sa petite fille, passionnément attentive, elle étonne tout de même lorsqu’elle crée des liens entre des œuvres qu’elle n’a vues qu’une fois.
Elle me touche aussi lorsqu’elle dit :
«Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j’espère qu’il sera dans ma tête.»
Et moi de lui dire:
Le paradis des couleurs, il est dans ma tête.
La succession des 52 visites effectuées est allégée par des scènes familiales.
À la trentième visite, c’est la présentation de L’âge mûr de Camille Claudel. Me voilà replongée dans l’expérience esthétique la plus intense de ma vie. Cette sculpture, longuement analysée et commentée dans le roman, j’ai eu la chance de la parcourir tactilement au Musée Rodin. Mon émotion a été si envahissante qu’elle s’est gravée au plus profond de mon être pour toujours; je suis convaincue qu’elle ne s’en effacera jamais: la déchirure, le désespoir du rejet ont été foudroyants.
Les visites aux musées en compagnie d’un expert de l’histoire de l’art qui donne à voir est d’une richesse inouïe qui me fait rêver. Ces pages devraient nous accompagner devant ces œuvres. Mais, pour moi, le moment le plus émouvant du livre est l’épilogue dans lequel culmine l’intensité du lien entre le grand-père et sa petite fille Mona. Si l’art les a réunis, la mémoire de la grand-mère adorée les a soudés.
«Oublie le négatif, ma chérie, garde sans cesse la lumière en toi.»
Telles furent les paroles d’adieu de la grand-mère Collette à Mona.
Autant la dimension didactique des 52 visites aux musées devient parfois un peu lourde en lecture continue, autant ici le débordement de l’émotion bouleverse.
«Entre essai, roman d’initiation à l’art et fiction, «Les yeux de Mona» est une «invitation au voyage, une lucarne pour le rêve.»
À découvrir pour apprendre, comprendre, aimer, rêver.»
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Sources:
SCHLESSER Thomas / Les yeux de Mona / Albin Michel / 2024 / 484 pages (disponible en braille au CTEB).
Entretien à lire:
https://www.cteb.fr/interview-de-thomas-schlesser-par-les-yeux-de-mona/