Une image forte de la vie culturelle au Québec

22 juillet 2019

J’ai consacré un très grand nombre d’heures à la lecture de la biographie de Ludmila Chiriaeff intitulée: Chiriaeff Danser pour ne pas mourir, biographie signée Nicolle Forget et publiée aux Éditions Québec Amérique; mais il était temps que je referme le livre de plus de 600 pages. Pourquoi? Parce que la très riche documentation (plus de 900 notes) qui autentifie les faits alourdit le récit tout en voulant l’éclairer. Parce que les rappels historiques évoqués (Russie, Allemagne, Berlin, Québec, Canada) très utiles certes, ne pouvant être que partiels altèrent le rythme du récit.

Parce que la surabondance de données a pour effet de diluer le propos et nuit à la nécessaire synthèse pour le lecteur. Dans l’absolu, j’aurais préféré un propos plus resséré. Ludmila Chiriaeff a eu un parcours tellement accidenté et multiple que les chevauchements constituaient sans doute de grands écueils.

Nicole Forget met en exergue de son ouvrage cette phrase de Vladimir Jankélévich :

«Qu’est-ce que la vie, demandez-vous? Une czardas1 dans la steppe, une suite d’ébauches manquées, de scènes inachevées, d’impromptus sans tête ni queue dont l’enchaînement lui-même n’apparaît qu’après coup, pour qui en reconstruit rétrospectivement la logique et la finalité.»2

C’est un peu cela que nous restitue la signataire de la biographie. J’aurais souhaité une étape subséquente de synthèse et de réorganisation.

Le titre est particulièrement bien chois : Chiriaeff danser pour ne pas mourir car on nous présente une femme dont la vie entière a été consacrée à la promotion de la danse au Québec envers et contre tout et tous. Une femme de passion, une femme de mission jusqu’à son dernier souffle.

«Le noeud essentiel de notre vie, ce qui lui donnera, si nous devons l’utiliser à poursuivre un but, son sens et son centre, se forme dès notre plus jeune âge, de manière parfois inconsciente, mais toujours précise et juste. Et la suite ne tient pas seulement à notre volonté : on dirait que les circonstances elles-mêmes se conjuguent pour nourrir et développer ce noyau.»3

L’organisation de l’ouvrage respecte le parcourts de vie :

1re partie: l’Europe – naissance en Allemagne de parents russes émigrés, puis, séjour en Suisse.

2e partie: l’Amérique – arrivée au Canada en 1952 avec mari et enfants; intense vie professionnelle.

On comprend bien que Ludmila Chiriaeff a été au nombre de ces dynamos culturels qui embrasent un milieu, une époque, qui propulsent vers l’avenir. Et il est essentiel qu’on nous le rappelle.

Revivre, entre autres,  l’effervessence culturelle des années 50 et 60 à Montréal rend à la fois un peu nostalgique mais aussi reconnaissant et même confiant. Revivre le climat dramatique des bombardements de Berlin nous dit combien nous sommes protégés et privilégiés.

Ludmila Chiriaeff a beaucoup échangé avec sa biographe laquelle nous rappelle cette pensée de Boris Cyrulnik qu’elle cite :

«Quand on raconte son passé, on ne le revit pas, on le reconstruit. Ce qui ne veut pas dire qu’on l’invente.»4

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NOTES :

1  Source Wikipedia:  «danse hongroise, à deux ou quatre temps. C’est une danse de couple qu’on retrouve dans toutes les régions où vivent des Hongrois (…) Son nom renvoie au mot «csárda», qui signifie « auberge » en hongrois.»

2  Sourc : Magazine littéraire, no 333, juin 1995, Vladimir Jankélévich.

3  Source: Alexandre Soljenitsyne, La roue rouge – août 14. p, 47

4  Source: Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur,Odile Jacob, 2002, p. 143

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Source :

Forget, Nicolle / Chiriaeff Danser pour ne pas mourir / Montréal: Québec Amérique, 2006, 664 pages.

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