Une idole qui brille, un philosophe dans l’ombre

6 janvier 2023

Christian Rioux introduit son article dans Le Devoir du jour par un éloquent parallèle qui se lit comme suit: Un pape philosophe

  «Le tribunal médiatique est toujours injuste. Alors que le monde entier se recueillait sur le cercueil du plus grand footballeur de tous les temps, le «roi» Pelé, les obsèques de l’ancien pape Benoît XVI étaient reléguées dans l’ombre. Pas tout à fait, bien sûr. Mais beaucoup trop si l’on considère non seulement l’importance pour les fidèles de ce pape effacé et discret, mais plus généralement son héritage intellectuel et sa réflexion sur notre civilisation. Une réflexion qui va bien au-delà des seuls croyants et qui devrait tous nous interpeller.»

«(…) Ce pape qui se rêvait moine» a rappelé que les «monastères furent les lieux où durant plusieurs siècles se forma la culture européenne, puisant aux sources grecques et latines soigneusement transmises par les moines. Bien avant les universités, c’est du bouillonnement de culture né dans ces monastères, qui étaient aussi des institutions d’enseignement et des bibliothèques, qu’ont surgi la musique, la peinture, la littérature et la philosophie humanistes occidentales.»

 BenoÎt XVI a dénoncé les deux travers de notre époque:

l’«arbitraire subjectif» triomphant d’aujourd’hui, qui justifie les choix les plus déraisonnables, et le «fanatisme fondamentaliste», qui fait de nos jours un curieux retour. (…)»

Joseph Ratzinger aura été un professeur «auteur de 86 livres et de 471 articles. Les esprits les plus brillants voulaient débattre avec lui, (…). Benoît XVI devrait d’ailleurs bientôt se joindre au cercle on ne peut plus restreint des 33 docteurs de l’Église, où il siégera en compagnie de saint Thomas d’Aquin et de saint Augustin.»

«Ce pape ne voyait pas de contradiction entre la foi et la raison. Il se réjouissait des découvertes de la science lorsqu’elles mettaient fin aux superstitions et permettait de renvoyer la religion à sa véritable mission. Mais il s’inquiétait aussi d’un monde où il n’y aurait plus que la science et d’où serait écartée toute transcendance.»

«(…) c’est lui qui osa le premier lever le voile sur les scandales de pédophilie, briser la culture du silence et renvoyer les coupables à la justice des hommes. L’histoire devra le reconnaître un jour.»

«Benoît XVI aura-t-il été le premier pape de la fin de la chrétienté? (…)

Où aura-t-il été le premier à tracer la voie du «courage de la dissidence civilisationnelle?» (…) Plus que n’importe qui, Benoît XVI aura été conscient des enjeux du déclin de notre civilisation. À l’heure du retour des idéologies où (sic) la tentation de la fuite en avant est grande, son héritage est plus que d’actualité. Dans un monde qui n’a jamais tant rêvé d’un homme liquide et sans attache, s’il y avait une phrase à retenir de lui, ce serait peut-être celle-ci: L’absence de liens et l’arbitraire ne sont pas la liberté, mais sa destruction.»

Que de réflexions fondamentales à méditer, à approfondir, alors que le superficiel nous engourdit et nous happe même.

Source:

RIOUX, Christian / Un pape philosophe  Le Devoir, Section Actualités / 6 janvier 2023

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