Sous le charme!

4 août 2022

Tout est original dans cet ouvrage: Les villes de papier de Dominique Fortier. Le titre, d’abord, qui suggère une part de mystère. Le sujet, une poétesse, Emily Dickinson, dont on ne connaît que trop peu de choses. L’imbrication de l’imaginaire et du réel. Les éléments communs entre les deux créatrices, Emily Dickinson et Dominique Fortier. La succession de courts tableaux peints avec finesse.

La lecture est d‘emblée séduisante. Les images jaillissent et s’estompent sans heurts. La langue est au service de cette magie. Une lecture que j’ai traversée sous le coup de la séduction.

Emily Dickinson et Dominique Fortier m’étaient à peu près étrangères. C’est donc une très heureuse, touchante et enrichissante rencontre.

Au lieu de tenter de raconter le livre, je vous renvoie à quelques commentaires d’internautes qui le font avec justesse.

Dans ce «jardin», j’ai cueilli quelques belles «fleurs» que je vous offre.

«Le jardin bruisse du murmure des fleurs. Une violette ne se remet pas d’être si fripée. Une autre se plaint de ce que les grands tournesols lui font de l’ombre. Une troisième lorgne les pétales de sa voisine. Deux pivoines complotent sur la façon d’éloigner les fourmis. Un lys long et pâle a froid aux pieds, la terre est trop humide. Les roses sont les pires, énervées par les abeilles, incommodées par la lumière trop vive, soûlées par leur propre parfum. Seuls les pissenlits n’ont rien à dire, trop heureux d’être en vie.» (p. 15)

«Les rayons d’or déferlent en coulées de miel par la fenêtre. La lumière d’après-midi est si épaisse qu’Emily a l’impression d‘être une abeille
prise dans de l’ambre.» (p. 43)

«Les mots sont de fragiles créatures à épingler sur le papier. Ils volent dans la chambre comme des papillons. Ou bien ce sont des mites échappées des lainages – des papillons à qui manquent la couleur et l’esprit d’aventure.» (p. 43)

«Pour être certain de faire cent fois, mille fois une promenade plus riche que celle de la veille, il n’est besoin que de se promener tous les jours dans le même jardin.» (p. 88)

«En écrivant, elle s’efface. Elle disparaît derrière le brin d’herbe que, sans elle, on n’aurait jamais vu. Elle n’écrit pas pour s’Exprimer, (…); elle n’écrit pas pour se distinguer. Elle écrit pour témoigner (…).» (p. 114)

«Elle n’est pas cachée, elle n’est pas recluse. Elle est au cœur des choses, au plus profond d’elle-même, recueillie, posée en équilibre entre les abeilles du jardin et les deux Ourses, la grande et la petite, qui s’allument dans le ciel à la tombée du jour, (…). C’est une vie parfaite, parfaitement close, enclose en elle-même. Ronde et pleine comme un œuf. Chaque jour est une boucle bouclée, un cercle qui a débuté avec l’apparition du soleil au-dessus de la cime des arbres, dorée en été, cuivrée à l’automne, mercure en hiver, rosée au printemps, et qui s’achève avec sa disparition de l’autre côté du ciel. La nuit noire: un blanc. Le lendemain matin: le même, et jamais tout à fait le même. C’est dans cette exquise répétition des choses, dans ce temps suspendu, qu’elle arrive par éclairs, à saisir ce que murmure l’herbe et ce que souffle le vent. Il n’y a pas d’autre moyen de s’arrêter que de tourner exactement au même rythme que la Terre qui tournoie autour du Soleil, et de s’abandonner à ce vertige.» (p. 162)

Que j’aurais aimé offrir ce livre à mon père qui était un grand contemplatif, un touchant rêveur devant une fleur, un insecte, un nuage, devant tout ce qui l’émerveillait!

Source:

FORTIER, Dominique / Les villes de papier / Alto / Québec / 2020 / 185 pages

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