30 novembre 2023
Sous la loupe de Machiavel, Jean-Sébastien Bélanger, enseignant au Département de philosophie du cégep de Sorel-Tracy, fait une lecture plus qu’intéressante de l’action et surtout de la possible pensée sous-jacente du présent Gouvernement du Québec.
La question qui chapeaute son article?
«Quel conseil le penseur donnerait-il pour procéder au démantèlement progressif de la santé et de l’éducation? »
Jean-Sébastien Bélanger répond en spéculant comme suit à partir de sa propre question:
À propos de l’éducation
«Machiavel, je crois, conseillerait au décideur de subventionner grassement les écoles privées et de minimiser le fléau de la ségrégation scolaire qui sévit actuellement. On permettrait à la piètre maîtrise de la langue française qui s’observe chez les ressortissants des établissements publics de perdurer. On ne ferait pas trop de cas du décrochage. On éviterait autant que possible de parler des incivilités qui s’observent dans les écoles et des problèmes de gestion de classe qui s’ensuivent. On investirait le moins possible dans les infrastructures… Ainsi, après quelques années de sous-financement et d’aveuglement volontaire, l’affaire serait entendue. Le peuple réclamerait lui-même la destruction de cet idéal des Lumières (…)»
Et sur la santé
«(…) Laissez les cliniques privées occuper de plus en plus d’espace dans les soins offerts aux patients. Assurez-vous, malgré vos promesses, de ne pas offrir à nombre de citoyens l’accès à un médecin de famille. Favorisez l’exode des professionnels de la santé vers le privé en rendant leurs conditions de travail au sein du système public particulièrement peu attractives. Alourdissez les tâches périphériques, la réédition de compte et la bureaucratie afin de ralentir le système.
Laissez des agences de placement privées prendre en charge les responsabilités qui incombaient jadis aux administrateurs des établissements publics et faites en sorte que les contribuables paient, en raison de ces mêmes agences, 120 dollars l’heure pour s’offrir les services d’une infirmière dans un hôpital, par exemple. (…)»
«Machiavel, toujours pragmatique, verrait certainement dans la chute du système d’éducation universel d’indéniables avantages pour le souverain. Ne dit-on pas d’un peuple ignorant qu’il est plus facile à assujettir?»
Réflexion que ma mère partageait souvent…
«Personne (…) ne veut aujourd’hui être traité de machiavélique. La réalité, en ce qui a trait à sa pensée, est pourtant toute autre. (…)»
Quand on met le présent en perspective, on élargit le regard qui s’ouvre sur des possibles…
Source:
BÉLANGER, Jean-Sébastien / Machiavel, Legault, les grévistes et moi / Le Devoir / Section Idées / 24 novembre 2023