Soufflée par une telle érudition!

22 avril 2021

Ce n’est pas le premier titre de Jean D’Ormesson que je lis et pourtant je suis soufflée par l’érudition à la source de Et moi, je vis toujours, roman original dont le personnage principal est l’histoire, comme l’auteur et l’éditeur s’en expliquent dans les lignes suivantes :

«Il n’y a qu’un seul roman – et nous en sommes à la fois les auteurs et les personnages: l’histoire. (…) C‘est l’histoire que revisite ce roman-monde où, tantôt homme, tantôt femme, le narrateur vole d’époque en époque et ressucite (…) l’aventure des hommes et leurs grandes découvertes.» (Quatrième de couverture)

«Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l’avez déjà deviné, je suis l’espèce humaine et son histoire dans le temps. Ma voix n’est pas ma voix, c’est la voix de chacun, la voix de milliers, des millions, des milliards de créatures qui, par un miracle sans nom, sont passées par cette vie. Je suis partout. Et je ne peux pas être partout. Je vole d’époque en époque, je procède par sondages, je livre mes souvenirs. Je parle de Ramsès II, de moïse, d’Homère, de Platon et d’Aristote, d’Alexandre le Grand parce qu’ils tiennent une place considérable dans ce que vous êtes devenus. Impossible de ne pas faire avec eux quelques pas dans le passé. Je suis aussi les voix innombrables et muettes de ces hommes sans nom qui sont tombés dans la vie par hasard, sans le vouloir, avec stupeur et dans le noir, avant de disparaître. À jamais. Qui le sait?» (p. 42)

Je suis très impressionnée non seulement par la somme de connaissances accumulées et maîtrisées mais également par la qualité de la langue et de l’écriture qui rendent la lecture fluide, naturelle, confortable. Et que dire de l’originalité du traitement?

Si j’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt et de plaisir, il me faudra le relire pour me familiariser davantage avec les personnages présentées et les histoires racontées. Ce qui est extraordinaire, c’est que tous ces êtres et ces événements sont des familiers de l’auteur, des amis même.

Oui, je l’avoue, cette érudition me fait trembler d’admiration et peut-être même d’envie. Comment peut-on y arriver avec autant de confort? J’ai éprouvé un sentiment semblable en abordant les ouvrages de Yuval Noah Arari que je vais d’ailleurs reprendre.

Dans les dernières pages de Et moi, je vis toujours, d’Ormesson/l’histoire nous offre une formidable phrase de Vladimir Jankélévitch:

«Si la vie est éphémère, le fait d’avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel.» (p. 177)

Pour moi, c’est une réflexion, si non encourageante, du moins, rassurante et porteuse de sens.


MONTELY, Étienne / Le Figaro, 10 janvier 2021 / Trois raisons de lire Et moi, je vis toujours, le livre posthume de Jean d’Ormesson

D’ORMESSON, Jean / Et moi, je vis toujours /  Paris, Gallimard, 2018 / 280 pages

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