Particulièrement intéressant et bienvenu

30 décembre 2023

Particulièrement intéressant et bienvenu est cet article de Patrick Moreau publié dans le Devoir du 30 décembre dernier: Le règne de l’arbitraire.

L’auteur réfléchit sur ce concept à partir de L’affaire Depardieu. Il nous rappelle avec clarté que

«L’arbitraire, c’est ce qui ne découle pas de l’application d’une règle ou d’une loi. Sous l’Ancien Régime (en France, jusqu’à la Révolution et en Angleterre, jusqu’à l’instauration de la monarchie parlementaire), on parlait de l’« arbitraire royal». Le roi n’étant assujetti qu’à son « bon plaisir », il pouvait prendre les décisions qu’il voulait, même si celles-ci allaient à l’encontre des lois et règlements établis. (…)»

«À l’encontre de cet arbitraire royal, l’État de droit instaura le règne de la loi, (…) C’est le b.a.-ba de la démocratie. C’est aussi un principe qui garantit l’égalité de tous, au moins devant la loi.»

À partir de ces principes, Patrick Moreau observe que l’

«on assiste depuis quelques années, (…) à une dangereuse dérive, à un retour de sanctions qui s’appliquent de manière totalement arbitraire, en dehors de toute loi, de toute règle, parfois même sans qu’ait été commis le moindre crime ou le moindre délit dûment défini par une règle de droit ou un quelconque code de déontologie.»

Patrick Moreau rappelle l’affaire Jutra, ainsi que l’affaire Verushka Lieutenant-Duval.

«(…) Cette affaire fut révélatrice, (…) de ce nouvel arbitraire qui nous guette tous désormais. Qu’une accusation soit lancée contre quelqu’un, même sans preuve, justifie dorénavant qu’une foule d’anonymes se déchaîne contre cette personne qu’on leur jette en pâture sur les réseaux sociaux. L’accusation vaut condamnation. Il n’y a plus ni présomption d’innocence, ni débat contradictoire, ni moyen de défense pour l’accusé. L’opinion publique, ou du moins cette fraction de ladite opinion qui éprouve le besoin pathologique de conspuer et de haïr, fait figure à la fois de procureur, de juge et de jury.»

«Les autorités (administratives, politiques), qui devraient pourtant avoir pour code de conduite de garder la tête froide, endossent alors les émotions hargneuses de la foule et imposent à l’accusé une sanction immédiate. Celle-ci tombe la plupart du temps en quelques jours à peine, comme si les autorités en question avaient par-dessus tout peur de donner l’impression de ne pas partager avec assez d’enthousiasme ces humeurs lyncheuses, ou craignaient d’être entraînées à leur tour par leur courant irrésistible.»

«Cette différence entre des accusations et la chose jugée n’est pas une simple question de forme. Que les règles et les lois s’appliquent à la lettre, que les tribunaux et les juges se prononcent sur la culpabilité des uns et des autres, et non pas nos dirigeants politiques ou des administrateurs menés eux-mêmes par une foule qui réagit émotivement, c’est ce qui garantit que chacun (…) puisse bénéficier d’un traitement juste et équitable. Cela sert chacun d’entre nous, alors que l’arbitraire ne bénéficie qu’aux puissants.»

Ces considérations méritent d’être réfléchies, car elles pourraient contribuer à calmer les esprits, à assainir le discours et à rationaliser les décisions.

SOURCE:

MOREAU, Patrick / Le règne de l’arbitraire / Le Devoir / Section IDÉES / 30 décembre 2023

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