11 avril 2020
Pour qui a vécu à Paris, la lecture de Paris est une fête, aussi intéressante soit-elle, soulève des bouffées de nostalgie et parfois de regret, pour n’avoir pas toujours pu pleinement profiter du lieu.
Le récit de Ernest Hemingway m’entraîne dans des lieux connus, fréquentés ou non, arpentés ou non avec tout ce que cela fait revivre de souvenirs et d’émotions. Je me prends à penser, à désirer me retrouver dans cette ville pour marcher sur les traces de Ernest Hemingway plus de cent ans plus tard. C’est une utopie, bien sûr, car le Paris de 2020 n‘est plus le Paris des années 1920, mais c’est tout de même le Paris d’une riche histoire sociale, culturelle et de création.
Le petit-fils de Ernest Hemingway, Sean, nous dit, dans l’introduction du livre:
«Nul besoin, (…) d’aller jusqu’à Paris; la seule lecture de Paris est une fête vous y transportera.» (p. 33)
Ernest Hemingway (1899-1961), écrivain américain, a vécu à Paris à différentes étapes de sa vie, mais celle dont il parle dans Paris est une fête se situe dans les années 1920. Il y fait revivre ses années parisiennes de 1921 à 1926. Hemingway travailla sur ce texte de 1957 à 1959 après avoir retrouvé des notes abandonnées dans une malle pendant 30 ans. Il n’a pas été témoin de la publication. L’ouvrage paraîtra en 1964.
Quand on lit cette réflexion, on comprend combien Hemingway aimait le lieu mais sans doute moins ses habitants.
«Quand le printemps venait, même le faux printemps, il ne se posait qu’un seul problème, celui d’être aussi heureux que possible. Rien ne pouvait gâter une journée, sauf les gens, et si vous pouviez vous arranger pour ne pas avoir de rendez-vous, la journée n’avait pas de frontières. C’était toujours les gens qui mettaient des bornes au bonheur, sauf ceux, très rares, qui étaient aussi bienfaisants que le printemps lui-même.» p. 76.
Et son-petit fils, Sean, ajoute:
«Pour mon grand-père, qui faisait alors ses débuts en littérature, Paris était tout simplement le meilleur endroit au monde où travailler, et resta jusqu’au bout sa ville préférée. Vous ne trouverez plus de chevriers menant leurs troupeaux au son d’un pipeau dans les rues de Paris,1 mais en visitant les lieux sur la rive gauche dont parle Hemingway, le bar du Ritz ou le jardin du Luxembourg,2 (…), vous aurez une idée de ce à quoi cela pouvait ressembler. (…)» (p. 33)
C’est en ces termes que Paris est une fête se termine:
«Il n’y a jamais de fin à Paris et le souvenir qu’en gardent tous ceux qui y ont vécu diffère d’une personne à l’autre. Nous y sommes toujours revenus, et peu importait qui nous étions, chaque fois, ni comment il avait changé, ni avec quelle difficultés – ou quelle facilité – nous pouvions nous y rendre. Paris valait toujours le déplacement, et on recevait toujours quelque chose en retour de ce qu’on lui donnait.» (p. 345)
À la fin de Paris est une fête, dans une section intitulée: Fragments, sont présentés «les transcriptions de brouillons, écrits à la main, de faux départs pour l’introduction rédigée par Hemingway pour l’édition originale» (p. 333) Cette lecture est inspirante. Elle explicite le conseil de Boileau:
«Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage», conseil souvent négligé en nos temps de précipitation et de fausses urgences.
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NOTES :
1 Lire p. 76
2 Lire p. 49 et p. 52, entre autres.
HEMINGWAY, Ernest / Paris est une fête / Paris, Gallimard 2011 / coll. Folio / 377 pages