2 décembre 2019
C’est en ces termes que le site du Musée Stewart présente l’exposition NUITS:
«Tantôt majestueuse, envoûtante, séduisante, inquiétante ou tout cela à la fois, la nuit se dévoile sous différentes formes. Pour mettre en lumière ce thème fascinant, le Musée Stewart vous invite à découvrir l’exposition Nuits, une expérience unique, oscillant entre fiction et réalité, qui plonge le visiteur dans quatre univers nocturnes grâce aux récits originaux d’auteurs québécois de renom.
Accompagné d’un livret et grâce aux stations d’écoute, le visiteur a le plaisir d’explorer la nuit céleste avec Éric Dupont, d’affronter la peur du noir de la nuit imaginaire avec Dominique Demers, d’arpenter la nuit urbaine avec Heather O’Neill et de s’immiscer dans la nuit intime avec Simon Boulerice. Leurs histoires prennent vie dans une mise en scène théâtrale réalisée par Pierre-Étienne Locas aux côtés d’une variété d’artefacts surprenants issus des collections du Musée Stewart et du Musée McCord.»
Grâce à une amie, amoureuse de récits et de contes, généreuse de son temps et de ses coups de coeur, j’ai traversé ces NUITS avec cinq autres «curieuses » dans des conditions idéales. Notre petit groupe réunissait trois personnes non-voyantes et trois accompagnatrices voyantes. Ces dernières ont pris le temps de lire tout ce qui était affiché et de décrire le contenu des vitrines. C’est grâce à un tel jumelage que NUITS a été révélé à des non-voyants.
L’idée de conjuguer le littéraire (de courts textes originaux) et le matériel (des objets en lien avec le propos) est originale et inspirante.
C’est en entrant dans chacune des petites salles que nous vivons La nuit céleste, La nuit imaginaire, La nuit urbaine et la nuit intime. Dans une ambiance sombre, la lecture d’un texte nous introduit à la thématique de la salle. Puis, ou l’on commence par écouter le récit de l’écrivain à travers d’un casque d’écoute (les textes sont admirablement lus) ou l’on parcourt d’abord les vitrines qui regroupent des objets qui matérialisent le propos traité. Par exemple: des jouets, des jeux pour Nuit imaginaire, des vêtements, des bijoux pour Nuit urbaine, des meubles de chambre, des articles de toilette pour Nuit intime etc.
Ce couplage de l’imaginaire des écrivains d’aujourd’hui et des objets qui ont daté le temps, dit la permanence et l’éphémère, éveille émotions et souvenirs.
En prime, nous repartons avec un cahier qui nous livre les textes entendus dont voici de courts extraits:
Nuit Céleste
De mélasse et de morue
Éric Dupont
«(…) La lune brille à travers le hublot de Cook, occupé à montrer à Salvinio la planche Noms des taches de la Lune, son index pointant tour à tour la page du grand livre et la pleine lune qui les inonde de sa lumière. — C’est la mer de la Tranquillité.»
Nuit imaginaire
Le grand noir
Dominique Demers
«(…) Il est là, tout près. L’horrible, l’affreux, le vilain, l’exécrable, l’épouvantable : le Grand Noir! Il avance sournoisement, enveloppé de ténèbres. (…) Mille fois déjà, Louis-Philippe a hurlé à mort, alertant ses parents afin qu’ils volent à son secours, qu’ils éloignent le Grand Noir ou, mieux, qu’ils le tuent. (…)»
Nuit urbaine
Coeurs volés
Heather O’Neil
«(…) Elle travaillait comme serveuse quand elle avait fait la connaissance de Frank. Ils avaient tous les deux les yeux de la même teinte de bleu. Il avait glissé la main dans sa poche et en avait sorti un collier de perles qu’il avait laissé tomber dans sa tasse de thé en guise de pourboire. Ils étaient ensemble depuis ce moment-là, et vivaient dans une minuscule chambre d’hôtel de la rue Sainte-Catherine. Le papier peint était d’un merveilleux bleu céruléen, alors c’était toujours l’été entre ses murs. L’édredon était couvert de roses dorées et le matelas soupirait sous le poids des fantômes de tous les amoureux qui l’avaient partagé avant eux. Les fenêtres fissurées donnaient sur la rue bordée de boîtes de nuit. Quand ils étaient nus, leurs corps changeaient de couleur au gré des lampes des marquises. (…)»
Nuit intime
Le passé qui survit
Simon Boulerice
«(…) Tu as plongée dans ta crinière fauve. C’était indomptable, comme mon désir pour toi. J’étais figée devant ce spectacle à la sensualité inouïe. Tu t’es dirigée vers mon lit, as bifurqué vers ma table de nuit où reposait Les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs. Tu t’es mise à feuilleter les pages du recueil de poésie. Au hasard, tu as arrêté ton choix sur un de mes poèmes préférés.
—«Je laisserai le lit comme elle l’a laissé, défait et rompu, les draps mêlés, afin que la forme de ton corps reste empreinte à côté du mien.
«Jusqu’à demain, je n’irai pas au bain, je ne porterai pas de vêtements et je ne peignerai pas mes cheveux, de peur d’effacer les caresses (…) » Tu as refermé le livre sans voir que les mots m’avaient fait frissonner. (…)»
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Cette visite au Musée Stewart, Musée que nous ne fréquentons pas assez, présente NUITS jusqu’au 7 mars 2021.
Il y a quelques années, le Musée Stewart avait planifié une intéressante visite adaptée pour les non-voyants et malvoyants dans ce lieu chargé d’histoire. Mais, sans doute à cause de la faible fréquentation et la réorganisation des opérations institutionnelles, cette belle initiative n’a pas survécu.
Je dois sans doute reprendre le bâton du pélerin pour convaincre le Musée Stewart que, avec quelques adaptations, leurs expositions pourraient rejoindre de nouveaux visiteurs.
Motivée et persévérante, je continue d’utiliser le bâton du pélerin pour stimuler le milieu de la déficience visuelle à fréquenter de nouveaux lieux pour découvrir et pour s’enrichir.
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