Ma première lecture de Jacques Ferron

20 septembre 2023

La nuit est ma première lecture de Jacques Ferron. L’ouvrage est très court mais déstabilisant, difficile à suivre, surtout à saisir.

Le commentaire du signataire de la préface, Luc Gauvreau, me rassure un peu:

«De jeunes lecteurs liront cette Nuit sans la comprendre tout à fait, comme moi, lorsque je l’ai lue pour la première fois, (…). Souvent déroutés par sa logique nocturne, égarés dans la mémoire alambiquée du narrateur pour retrouver le souvenir de sa «mère cadette» plusieurs de ces lecteurs et lectrices (.) refermeront ce livre curieux se demandant ce qu’il peut bien vouloir dire. Qu’ils ne se sentent pas seuls:  qui croit avoir vraiment compris La nuit me l’explique, La leur explique! Je fais plutôt un autre pari. Combien d’entre eux ne pourront jamais oublier le coup de téléphone de Frank à François, qui déclenche La nuit, et la réponse – la plus inattendue que l’on puisse imaginer – que ce petit gérant de banque de banlieue donne à son diable d’alter ego? Avec sa sonnerie bruyante, ce téléphone retentit dans mes souvenirs de lecteur comme le plus bel appel que j’aie reçu de la littérature.» (pp. 9-10)

Abat les complexes!

Reste que je n’ai pas traversé le livre aisément malgré les belles pages sur la nature et les paysages de son enfance. Oui, de la poésie mais aussi du cynisme et des critiques acerbes du genre:

Alors qu’il était au sanatorium pour soigner une pneumonie, Jacques Ferron écrit:

«La tuberculose se traite aujourd’hui d’autre façon, si toutefois elle se traite, étant donné qu’elle disparaît d’elle-même, maladie sociale; les sociétés changent et c’est ce changement qui la guérit, faisant les médecins cocus. Ils ne s’en sont pas aperçus, trop bêtes. Pour les rendre plus intelligents, il faudrait en égorger trois ou quatre, chaque année, sur la place publique. Ça leur metterait au moins un peu d’angoisse dans le ventre. Du désarroi des malades, ils tirent suffisance. La vue de la souffrance finit par les rendre insensible. Je les détestais. (…)». (p. 44)

Je précise ici que Jacques Ferron était médecin

Et encore:

«La nuit, moins vaine qu’on ne l’aurait cru, jouait un rôle hygiénique et social; elle préparait pour le lendemain une population récupérée, prête au travail, les poumons gonflés de l’oxygène de la résignation, une population sans mémoire, sans avenir, contente de l’humble recommencement des journées.» (p. 30)

L’histoire du roman est ainsi résumé sur INTERNET:

«Quelques sonneries de téléphone qui retentissent dans la nuit sortent François Ménard d’un coup du sommeil éveillé dans lequel il était plongé depuis des lustres. Un appel. Mais de qui provient-il ? Un faux numéro ? Quelqu’un qui cherche à l’extirper de sa réalité ? Son interlocuteur nocturne, imaginaire ou non, davantage prétexte que personnage fait naître en lui une quête vieille et sourde, latente depuis toujours qui le pousse alors à poursuivre dans l’obscurité de la nuit une part de lui-même qui ne lui appartient pas dans la clarté du jour et dont les contours sont aussi flous que ceux des lieux qu’il visite, des personnages étrangers mis sur sa route, Frank, Barbara, un chauffeur de taxi, un effelquois, jusqu’à ce que les rayons du soleil de l’aube le ramènent à sa Marguerite au masque doux.»

« Les grands châteaux de la nuit » dépeints dans cette fabuleuse métaphore de l’identité québécoise, ravissent et dérangent. Serait-ce la nuit elle-même qui aurait sonné le glas de l’émancipation rêvée?»

J’ai deux autres Ferron sur ma table de chevet… Je poursuis?

FERRON, Jacques / La nuit / Lanctôt petite collection Lanctôt / Montréal / 2005 / 130 pages

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