« Les technologies audio font reculer le braille, selon des experts »

31 juillet 2019

«Les technologies audio font reculer le braille, selon des experts», tel est le titre d’un article lu sur le site du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM). Bien sûr, un titre accrocheur!

Ce genre de déclaration, sans nuances et trop fréquentes, me fait sourciller. On aime bien que la technologie soit le bouc émissaire de toutes nos erreurs, nos passivités et nos propentions à la déresponsabilisation.

Dans le cas présent, selon moi, ce ne sont pas les technologies audio qui font reculer le braille (même si elles peuvent y contribuer); c’est la personne qui choisit non seulement de prioriser cette technologie, mais surtout de la substituer au braille. La technologie audio en elle-même ne nous interdit pas d’apprendre et d’utiliser le braille, elle offre simplement de nouveaux outils d‘accès à l’information et à la communication.

J’aborde les technologies et je les utilise comme un élargissement de l’éventail des moyens disponibles pour réaliser des tâches et atteindre des objectifs, non comme remplacement obligé de ce qui est maîtrisé et encore efficace.

La technologie audio est à la mode et nous avons une regrettable tendance à suivre la mode sans nous questionner, sans évaluer nos divers besoins, sans considérer les caractéristiques et les contraintes spécifiques à chaque outil, à chaque technique.

Est-ce que l’on commence à penser ne plus enseigner et pratiquer la lecture et l’écriture à l’école parce-que les synthèses vocales sont de plus en plus présentes?

Pourquoi cette avenue semblerait plus acceptable pour les personnes vivant  avec une déficience visuelle sévère?

Pourquoi ces dernières ne sont-elles pas davantage encouragées et stimulées à utiliser et maîtriser le braille, technique par excellence pour lire (toucher le texte) et écrire (le produire)?

J’utilise le braille depuis mon enfance. J’ai manipulé un très grand nombre d’outils au fil du temps et des développements techniques et technologiques. Encore aujourd’hui, j’ai recours à l’un ou l’autre d’entre eux selon les circonstances, les besoins, les objectifs, les lieux et surtout leur potentiel d’efficacité.

Nous avons la chance d’avoir une large palette d’outils et de techniques pour accroître l’efficacité dans la pratique de nos activités quotidiennes, professionnelles, culturelles et autres, pourquoi faire la promotion du remplacement au lieu de celle de la complémentarité? En laissant aller le braille, en le considérant désuet, non seulement nous opérons une soustraction, mais nous nous fermons des portes. Le texte se touche avec les yeux ou avec les doigts. Lire en braille, c’est toucher le texte, le décoder, le photographier, l’imprimer dans sa mémoire. Le braille, c’est un ensemble d’images tactiles accessibles.

Écouter le texte, c’est une appréhension différente mais non équivalente.

Il y a suffisamment de pertes imposées par la cécité, pourquoi faire le choix d’en ajouter d’autres?

S’il y a de moins en moins de professeurs de braille, comment peut-il y avoir davantage de lecteurs? C’est le contexte pédagogique qui favorise la décroissance, certainement autant que les technologies audio, sinon davantage. Ce ne sont tout de même pas les enfants qui prennent la décision de ne pas apprendre le braille.

Source:

Article de Hina Alam, La Presse canadienne publié le 1 juin dans le Journal Métro  / et relayé sur le site du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec RAAMM  / Section: Écho du RAAMM pour la période du 25 juin au 8 septembre 2019

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