La toponymie, un portrait du pays, du peuple

20 janvier 2025

Marie-Hélène Voyer nous présente un éloquent portrait de La toponymie des humbles qu’elle introduit par des souvenirs de son enfance dans la région du Bic.

Elle croit que

«la toponymie constitue un terrain fertile pour mieux saisir notre rapport tordu aux inégalités sociales. Pourrait-elle agir comme l’une des voies de rectification, de redressement de notre rapport honteux à la pauvreté ? Serions-nous moins aveugles si nous abandonnions l’orgueil creux de toutes ces rues aux noms de Manoirs, de Châteaux et de Palais? Que nous disent (et, surtout, que disent de nous) les noms de lieux dans ce Québec qui peine à advenir à lui-même?»

Marie-Hélène Voyer parcourt le territoire, le raconte en le nommant.

«Je parcours la carte du Québec et récite tout bas la poésie d’un territoire qui s’enficelle sous mes doigts, me réjouis de ces noms de lieux qui célèbrent notre ordinaire et dressent une véritable toponymie de l’humilité»:

le lac Misère, le lac Laid, le lac Malfait, le lac Crotté, le lac Magané, le lac Efflanqué, le lac de l’Oeil-Qui-Louche, le lac de la Guenille le ruisseau Vide-Poche.

«Je m’étonnerais de l’immense fortune de l’adjectif petit dans cette province où l’on apprend aux humbles à se croire négligeables et sans grandeur»:

lac à Ti-Pierre, chemin du Lac-à-Ti-Pit, marmites du lac Ti-Coq, côte à Ti-Bert, lac Ti-Bi, lac Ti-Caille, lac Ti-Gars.

«Sur la route, (…) je ferais l’inventaire de nos lieux mangés par la famine»:

ruisseau Pain-Sec, l’anse au Mange-Lard, le lac Baloney, le lac Crève-Faim.

«À chaque croisement, je cueillerais les images de nos mythes et de nos fables. (…)» :

lac Bazou, lac Miséreux, lac des Robineux, lac Paresseux, lac Bon-à-rien.

«Je (…) dresserais la carte de notre rapport aliénant au travail»:

ruisseau Brise-Fer, lac de l’Arrache-Clou, montagne de Pousse-Pioche, lac Pousse-le-Foin, lac J’En-Peux-Plus.

«J’achèverais mon périple au lac de la Longue Mort, (…).»

Comme l’écrit Pierre Perrault,

«pour humaniser un pays, on doit le nommer avec du vécu».

En parcourant ainsi le territoire, Marie-Hélène Voyer  nous révèle à nous-mêmes sous de multiples réalités avec des mots qui font images.

—-
Source:

VOYER, Marie-Hélène / La toponymie des humbles / Le Devoir / Section: Idées / 7 janvier 2025

Voir aussi 

Le billet du 28 décembre 2024 sur mon site:  La toponymie 

Envoyer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *