La lecture, une amitié

14 juin 2018

Je ne peux résister à l’envie de partager l’une des nombreuses réflexions de Marcel Proust sur la lecture, réflexion que je trouve à la fois simple, amusante et éloquente. Elle me fait sourire!

« (…) Dans la lecture, l’amitié est soudain ramenée à sa pureté première. Avec les livres, pas d’amabilité, si nous passons la soirée avec eux, c’est vraiment que nous en avons envie. Eux, du moins, nous ne les quittons souvent qu’à regret. Et quand nous les avons quittés, aucune de ces pensées qui gâtent l’amitié : Qu’ont-ils pensé de nous? – N’avons-nous pas manqué de tact? – Avons-nous plu? – et la peur d’être oublié pour tel autre. Toutes ces agitations de l’amitié expirent au seuil de cette amitié pure et calme qu’est la lecture. Pas de déférence non plus; nous ne rions de ce que dit Molière que dans la mesure exacte où nous le trouvons drôle; quand il nous ennuie, nous n’avons pas peur d’avoir l’air ennuyé, et quand nous avons décidément assez d’être avec lui, nous le remettons à sa place aussi brusquement que s’il n’avait ni génie, ni célébrité. L’atmosphère de cette pure amitié est le silence, plus pure que la parole. (…) Aussi le silence ne porte pas, comme la parole, la trace de nos défauts, de nos grimaces. Il est pur, (…). pp. 39-40

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Marcel Proust / Sur la lecture : suivi de Journées de lecture / Librio, Paris, 2013 / 70 pages.

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