21 mars 2017
En souvenir et hommage à une grande dame des lettres, Anne Hébert, avec qui j’ai eu le privilège d’échanger, voici le poème qui me la rappelle dès que j’entre chez moi. : NEIGE, poème tracé de sa main sur une feuille de papier Saint-Gilles.
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NEIGE
La neige nous met en rêve
Sur de vastes plaines,
Sans traces ni couleur
Veille mon cœur,
La neige nous met en selle
Sur des coursiers d’écume
Sonne l’enfance couronnée,
La neige nous sacre en haute-mer,
Plein songe,
Toute voile dehors
La neige nous met en magie.
Blancheur étale.
Plumes gonflées
Où perce l’œil de cet oiseau
Mon cœur ;
Trait de feu sous des palmes de gel
Fille de sang qui m’émerveille.
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Sur le web : lapoesiequejaime.net/ahebert.htm
Publié sous : Anne Hébert, Poèmes, Édition du Seuil, 1960
Merci, Louise, de cette poésie, O combien réaliste et touchante. elle me dit le courage nécessaire pour l’écrire, l’entendre et la vivre.
Comme tu en redemandes, je retourne à Anne Hébert.
PRÉSENCE
La Mort m’accompagne
Comme une grande personne qui me tiendrait la main.
Même quand elle paraît séparée de moi,
Je sais que je me meus dans son rayonnement.
Elle est debout dans une chambre secrète,
Au plus profond de mes songes.
Son visage est absent,
Sa main qui me touche
N’est ni décharnée, ni hideuse,
Seulement un lien spirituel et majestueux.
Elle est voilée,
Comme un voile d’eau,
Ni linge ni suaire.
Elle se tient
comme dans une source,
La plus profonde source
Des plus profondes eaux.
Elle ne s’épouvante pas,
Parfois, je l’oublie ;
Et tout d’un coup je la sens là,
Ainsi qu’un enfant qui joue sur la grève
Et qui subitement découvre
La gravité de la mer.
Anne Hébert (« Gants du Ciel » 1944).
(revue Collection complète de 12 numéros de cette revue littéraire et artistique fondée et dirigée par Guy Sylvestre)
sur le web : http://www.poesie-fertile.fr/?p=6108
Poésie, poésie, poésie….encore et encore, svp.
Nicole, pour toi et tes fidèles lecteurs voici un poème d’un ami de longue date….
Dessèchement
Comme la terre asséchée craque et fend
Mon corps se dessèche peu à peu
Les fissures s’incrustent au coin de l’œil
Au pli des jointures
Ma peau ressemble à un papier sablé
C’est l’âge qui me dessèche
L’usure du temps, la fatigue des jours.
La pierre exposée au vent et à l’eau
Se patine et s’adoucit
Moi, au contraire, je m’en vais plus rugueux
Plus rude, plus rêche
Le corps se dessèche, le cœur aussi
Ah! Qu’elle semble loin la source
Comme si derrière le sable
Il n’y avait encore que d’autre sable
Le sable à l’infini
C’est maintenant mon tour de traverser le désert.
( Devenir voyage / André Beauchamp / Fides, 2017, p. 81 )