25 mars 2024
Chapitre 1 La formation d’un intellectuel engagé (1868-1896) (pp. 1-42)
Dans ce premier chapitre, Henri Bourassa nous est présenté jusqu’à son élection comme député libéral fédéral en 1896 dans le comté de Labelle. Sa relation avec Wilfrid Laurier y occupe une grande place ainsi que la question des écoles séparées du Manitoba. Ces deux sujets traversent l’ensemble de l’ouvrage.
Au moment où Wilfrid-Laurier prend la direction du parti libéral fédéral (1887)
«(…) le problème qui se pose est celui de l’identité nationale. Dans quel Canada veulent vivre les Canadiens (…)? Dans quelle nation veulent-ils se fondre? Certains voient la nation canadienne liée de près à l’Empire britannique, tandis que d’autres l’ancrent davantage sur le continent nord-américain et l’entrevoient même, au moment convenu, autonome, voire indépendant de la mère patrie. D’aucuns désirent qu’elle se meuve dans un système fédéral pleinement appliqué alors que d’autres souhaitent pour elle un cadre étatique davantage centralisé. Mais il y a plus: que sera donc cette nation au niveau socio-culturel? Sera-t-elle unilingue anglaise? À la fois française et anglaise? Catholique? Protestante? Ces questions sont délicates. Elles soulèvent le problème fondamental de la place des Canadiens Français catholiques au Canada. Certains anglo-protestants veulent une nation canadienne unilingue anglaise et protestante. Redoutant la force et l’ambition des Canadiens français (…) ils craignent de les voir dominer le pays, le transformant en une forteresse du catholicisme romain et de la langue française. Croyant menacée la civilisation britannique dans les provinces où ils sont en majorité, ils partent en croisade contre le dualisme canadien. Les autres, des Canadiens français, (…) rêvent d’un Canada bilingue et biculturel qui préserverait partout leur identité profonde. Ils font valoir leurs aspirations, appuyés sur un Québec qu’ils souhaitent fort et respectueux de leurs traditions. (…)» (pp. 22-23)
137 ans plus tard, la question de l’identité nationale est-elle résolue?
Chapitre 2 De député libéral à député libéral indépendant (1896-1900) (pp.43-78)
On nous révèle ici Henri Bourassa dans son implication comme député à la Chambre des communes du Canada dont Wilfrid Laurier est le premier ministre. Ce dernier l’implique dans divers dossiers dont celui des écoles séparées du Manitoba n’est pas le moindre et le moins épineux. Il en éprouvera «une amère désillusion.» (p. 55)
«Plusieurs historiens ont glorifié Laurier (…) qui a ramené l’harmonie nationale. (…) Elle s’est faite au détriment de la minorité catholique. En fait, Laurier n’a pas eu la volonté politique de procurer des assises légales aux droits scolaires de cette minorité. (…) l’accord Laurier-Greenway n’a ni «améliorer ce qui existait déjà dans les faits au Manitoba ni assuré une protection légale à l’éducation catholique ni (satisfait) aux exigences du jugement rendu par le comité judiciaire du conseil privé.» En somme, l’harmonie nationale a été imposée par la majorité d’après sa vision tronquée du Canada, vision bien différente de celle des pères de la Confédération. À partir de 1897, l’émergence d’un Canada de plus en plus uniculturel et anglophone devient réalité. Bien plus qu’auparavant, la minorité catholique et, au-delà d’elle, la minorité canadienne-française hors Québec risquent l’extinction. Admettons qu’Henri Bourassa, en dépit de ses désillusions éprouvées à la fin du processus, a, par ses prises de position, cautionné finalement cet état de fait.» (pp. 55-56)
Force est d’observer, encore aujourd’hui que la question nationale est toujours vivante et vibrante; les tensions demeurent et le respect toujours à conquérir.
Conférencier brillant et recherché, Henri Bourassa est invité, en 1899, à donner une conférence sur le rôle politique et social de La femme. Il y révèle «un conservatisme social bien de son époque, qu’il reprendra par la suite tout au cours de sa carrière.» (p. 60)
Bourassa déclare alors:
«La femme »est l’arbitre du goût et du bon ton dans les mœurs comme dans les lettres et les arts (…). Dans les cercles politiques proprement dit, l’influence de la femme est encore salutaire. Les relations sociales dont elle est l’âme, la vie et le charme, entretiennent entre les membres des parties opposés un ton de cordialité et de bienveillance.» (p. 60)
Puis,
«Il s’en prend résolument au féminisme naissant qu’il flagelle à volonté.»
(…) Tout ce que je demande (…), c’est qu’elles (les féministes) respectent l’ordre établi par Dieu, accepté par la nature et le bon sens. Qu’elles laissent les femmes être des femmes, et les hommes, des hommes. «(Ce sont deux êtres manifestement destinés à des fonctions différentes.») p. 61)
Il dit encore
«(…) à la femme qu’elle est l’égal de l’homme, mais que sa grâce, comme sa nature, l’éloigne des charges publiques pour mieux la concentrer sur la famille et sur son rôle de «conseillère discrète»
Et de «compagne fidèle» de l’homme.
«La femme électeur, avocat, député ne serait plus qu’un faible concurrent de l’homme, elle serait terrassée.» Elle deviendrait un monstre social dépourvu de tout ce qui fait le charme de la plus belle des créatures de Dieu (…)». (p. 61)
«(…) Bourassa vient d’exhaler un fumet de sa haine du féminisme. S’amorce alors sa campagne contre ce mouvement qui contribuera (…), à retarder l’émancipation des femmes québécoises au XXe siècle. (…)» (p. 61)
—
Source:
BÉLANGER, Réal / Henri Bourassa: Le fascinant destin d’un homme libre / Les Presses de l’Université Laval / Québec / 2013 / 541 pages