Emmanuel Macron, un mystère?

31 octobre 2021

Ceux qui s’intéressent à la politique, et plus particulièrement aux personnalités politiques françaises, trouveront dans cet article de l’Express du 9 octobre 2021, Un chapitre inédit : le mystère de la personnalité de Emmanuel Macronun éclairage bien spécifique et une analyse tout à fait fascinante.

J’en relève quelques lignes qui vous dirigeront vers ce texte substantiel que j’ai beaucoup apprécié et que je suggère de lire intégralement.

Emmanuel Macron

«C’est quelqu’un qui a du mal à trouver sa place. Et donc, sa seule place possible, c’est la première, la place d’exception! C’est quelqu’un qui se met en dehors des règles communes, et donc quelqu’un qui est fait pour la première place, la seule qui lui convienne. Et ce, au-delà de l’ambition politique banale. Il était inimaginable pour lui de jouer le jeu du cursus politique classique.»

(…) Là où je suis, je ne peux être que le premier.»

(…) Il s’agit pour lui de poursuivre une étoile, plus qu’une position déterminée. C’est un homme d’action, mais qui sait que, pour l’action, il faut de la réflexion; ce qui le met très à part de ses prédécesseurs directs et du milieu politique en général.»

«Je parle d’une ambition par-devers soi. L’ambition d’être quelque chose, d’aller quelque part. Une ambition qui n’a pas d’objet spécifique, sinon qu’elle veut aller le plus loin possible.»

Emmanuel Macron a étudié en théâtre, en philosophie puis en sciences politiques.

«(…) Pourquoi le choix de la philosophie, plutôt que l’économie, l’histoire ou le droit? Parce que cela arme beaucoup moins! Par sa vision générale, la philosophie fournit un équipement intellectuel et une capacité rhétorique très supérieurs à ce que peut donner par exemple l’économie, même si c’est la discipline reine dans notre monde. L’économie enferme dans une spécialité ; la philosophie ouvre et laisse indéterminé le champ où on va appliquer le type de réflexion qu’on a pu développer. »

Emmanuel Macron «n’est pas l’homme d’un groupe de proches, (…). C’est un homme qui a eu des parrains. Toute sa carrière a été faite par des gens qui l’ont détecté et promu. Il a séduit des aînés (…). Il s’est tourné vers des gens en position de le sortir du lot, (…). Il a été repéré comme le plus brillant de sa génération (…). Le revers de la médaille, c’est qu’il est seul; c’est son talon d’Achille. (…) la politique est un sport d’équipe (…). Personne ne peut jouer à tous les postes en même temps et c’est ce que Macron, étrangement, semble ignorer.»

«C’est un homme d’action. Il a une idée instrumentale des gens. (…) C’est quelqu’un qui est manifestement à la poursuite de quelque chose. De quoi? On aimerait bien le savoir plus clairement. Parce que ce n’est pas un ambitieux au sens banal du mot. Il est conduit par le sentiment d’une espèce de destinée qui lui fait se servir des gens ou des circonstances pour y parvenir, avec une remarquable plasticité.»

«Il est enfermé (…) dans cette dimension personnelle qui lui rend difficile de penser quoi que ce soit de collectif. (…) Or un président de la République (…) n’est pas seulement le porteur d’une option politique, mais le responsable d’une communauté politique, (…). Ce n’est pas un vrai politique (…), mais un homme de l’ère psychologique (…).» Son pouvoir de séduction «fonctionne exclusivement dans les rapports interpersonnels. On séduit des personnes, on ne séduit pas un peuple. Macron n’a pas réussi à séduire les Français. C’est la limite fondamentale sur laquelle bute sa faculté de convaincre et d’entraîner.»

«Ce n’est pas le fait que Macron ait été dépourvu d’expérience locale qui explique son ignorance du vécu des Français de base, c’est le fait qu’il n’existe pas de langage pour en parler. Les catégories dont disposent nos élites dirigeantes ne comportent pas de place pour l’expérience de leurs administrés. C’est là que se loge la crise de la représentation. De ce point de vue, Macron est sur la même ligne de départ que ses adversaires politiques. »

«Ce qui frappe, au total, dans son attitude, c’est une grande incertitude sur la manière d’occuper la place qui est la sienne, comme si jouer tous les rôles de la pièce était l’assurance d’avoir la bonne réponse. Peut-être n’a-t-il pas encore trouvé (…) la juste longueur d’onde pour s’adresser aux Français. D’où le flottement entre familiarité et distance, autoritarisme et de laxisme qui le rend si difficile à cerner.»

«Le dessein de Macron? (…) réconcilier les Français avec l’Europe et faire de la France le leader européen qu’elle devrait être et qu’elle a cessé d’être à cause de l’impéritie de ses prédécesseurs. C’est la part de sa vision qui vire à l’illusion. Il se trompe sur la place de la France dans l’Europe et sur la place de l’Europe dans le monde, avec une bonne partie des élites françaises.»

«(…) il n’est (…) pas le premier d’un nouveau monde à venir, mais plutôt le dernier d’un ancien monde – la grande parenthèse libérale et mondialiste, qui se termine sous nos yeux. Il voulait faire du Thatcher et du Blair et il se trouve confronté au retour des États-nations!»

«François Hollande était l’homme du Parti socialiste et à ce titre une incarnation de la gauche, Nicolas Sarkozy était l’homme de la droite, Jacques Chirac un héritier un peu bâtard du gaullisme. Emmanuel Macron, c’est qui ? Lui tout seul. Il n’incarne pas un courant d’opinion caractérisé, il n’est pas le représentant d’une famille spirituelle, il est oecuménique et flottant, il n’est pas l’émanation d’un milieu social défini. Il est là en tant que lui-même. C’est un président mal identifiable, si ce n’est par projection, masque de la droite pour la gauche, faux-nez de la gauche pour la droite et agent d’on ne sait quoi pour les complotistes. La dimension presque paranoïaque du traitement dont il fait l’objet s’explique par cette insaisissabilité. En dernier ressort, la haine qu’il suscite tient au fait qu’on ne sait pas très bien pourquoi il est là.»

Beaucoup de matière à réfléchir au-delà du personnage. Voilà pourquoi l’article mérite une lecture attentive et une réflexion prolongée.

Source :

GAUCHET, Marcel / Chapitre inédit : le mystère de la personnalité d’Emmanuel Macron / L’Express – FLASH INFO / 9 octobre 2021

 Référence : 

GAUCHET, Marcel, Eric Conan, François Azouvi / Macron, les leçons d’un échec / Éditions Stock / 6 octobre 2021

Envoyer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *