22 juillet 2024
Dans son article du 22 juillet 2024 dans Le Devoir, Jean-François Nadeau nous rappelle, entre autres, des propos de Umberto Eco: L’incroyable Hulk.
«Le fascisme est mouvant, (…) Son corps d’idées a beau être corrosif, il sait muer. Comme le serpent, il change de peau au gré des saisons pour continuer de se faufiler dans le paysage. Eco donnait tout de même quelques balises pour aider à identifier les reptiles venimeux. À quoi faut-il être attentif, selon lui, pour reconnaître le fasciste d’aujourd’hui?»
- Au culte de la tradition, c’est-à-dire à ceux qui ne cessent de gesticuler au nom de la grandeur d’un passé fabulé et tarabiscoté.
- Au rejet du modernisme, justifié au nom d’un traditionalisme qui plonge ses racines dans l’irrationnel.
- À ceux qui prennent toujours la parole au nom du peuple. Ceux qui savent ce que «le peuple veut», ce que le «peuple pense», comme si celui-ci était coulé d’un bloc.
- Au culte de l’action, placée loin devant la réflexion. Dans ce monde de Hulk Hogan, les discours sont forts en protéines et pauvres en vitamines. La force brute est célébrée.
- Au rejet de la pensée critique. En opposition à la science, puisque chacun peut bien faire «ses recherches». Les études, les analyses, les expertises, les critiques sont repoussées volontiers.
- Au mépris pour les femmes et pour les minorités sexuelles. Elles sont jugées à la fois trop fortes et trop faibles.
- Au rejet de la différence. «J’aime mon pays ; mon voisin, je l’haïs», résumait Richard Desjardins.
- À l’exploitation des frustrations, qu’elles soient politiques ou économiques, dans une obsession d’un complot contre la nation.
- À l’usage systématique d’une langue appauvrie, qui écarte d’emblée les raisonnements élaborés. Une langue volontairement trompeuse, (…)».
Jean-François Nadeau d’ajouter:
«Le XVIIIe siècle, connu comme le siècle des Lumières, nourrissait l’espoir de reléguer la mystique, l’intolérance et l’abrutissement aux oubliettes grâce à ses idées de tolérance, de rationalité et de scepticisme critique. Mais force est d’admettre que ces idéaux, loin d’être victorieux, demeurent plus que jamais un combat. Les idées que l’on croyait vaincues et rivées au plancher sont de nouveau grimpées jusqu’au plafond.»
«L’éclat des Lumières est en train de s’éteindre», dit un jour quelqu’un à Günter Grass. «Peut-être, répondit l’écrivain, mais il n’y a pas d’autres sources de lumière.» Alors, il faut chercher, plus que jamais, les brèches par lesquelles nous pouvons encore nous aider à y voir plus clair et voir à les agrandir au plus vite.»
N’est-ce pas des propos à méditer et à intégrer en ces temps particulièrement troublés?
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Source:
NADEAU, Jean-François / L’incroyable Hulk / Le Devoir / Section Actualités / 22 juillet 2024