Des gestes qui demeurent blessants

5 septembre 2021

Malgré la traversée d’une longue vie jalonnée d’innombrables situations qui te disent, par des gestes, que ta cécité perturbe ou même empêche la communication, la blessure ne se cicatrise pas et la perception de la cécité ne change pas, elle demeure réductrice.

Pourquoi une telle réflexion? La réponse se trouve dans des exemples personnels récents.

Je rencontre une professionnelle du monde des musées avec qui j’ai un échange cordial. À la fin de l’entretien, il y a remise d’un billet pour partager les coordonnées. Or, au lieu que le billet me soit remis en mains propres, mon interlocutrice le donne à ma compagne.

Banal, pensez-vous? Pas pour moi. Je suis encore une fois blessée parce que je reçois ce geste comme un message d’incapacité personnelle, de sous-évaluation: je ne peux prendre le billet, en connaître le contenu et en assurer le suivi, semble-t-on me dire. En somme, je suis aveugle, je suis incapable, il me faut un substitut.

Ce qui fait toujours mal, c’est que la cécité demeure encore perçue plus qu’une absence de vision, mais comme une accumulation de déficits de multiples ordres.

La même journée, dans un restaurant, la serveuse s’adresse à ma compagne pour lui demander ce que je veux. J’ai entendu et me suis empressée de répondre. Heureusement, elle a compris et a modifié son attitude pour la suite du repas en s’adressant directement à moi.

Vous me direz peut-être que les gens sont mal à l’aise parce que l’on ne les regarde pas dans les yeux. Peut-être pourriez-vous penser qu’il est infiniment blessant d’être perçu comme incapable de parler, d’entendre, de comprendre, d’entrer en communication.

La cécité est un handicap sensoriel spécifique et non un handicap sensoriel général ou encore moins un handicap intellectuel.

J’ai toujours mal d’être perçue plus handicapée que je ne le suis, plus limitée que je ne le suis, plus incapable que je ne le suis.

Malgré des efforts incessants, ça finit par être désespérant d’être sous-évalué et, d’une certaine façon, rejeté.

J’ai le droit de rêver que la cécité ne sera plus perçue comme un gommage de toutes les ressources de la personne.

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