Du Chili au Québec

14 décembre 2023

En une succession de courts chapitres, Caroline Dawson nous livre son parcours de native du Chili vers sa citoyenneté québécoise dans Là où je me terre.

Elle a sept ans quand sa famille quitte le Chili de Pinochet en 1986 avec ses parents et ses deux frères.

L’ensemble de ses portraits autobiographiques la racontent et racontent un certain Québec.

Des cinq membres de la famille de Caroline, ce sont les deux femmes qui dominent complètement le récit. Le père et les deux garçons sont à peine mentionnés bien que l’on apprenne dès le début que c’est le père qui est à la source du grand déracinement.

Parmi tous ces portraits qui nous livrent des expériences de chocs et d’adaptation socio-culturels, L’avalée des avalés est l’une des sections du roman qui m’a le plus étonnée, impressionnée.

La jeune fille de onze ans à l’école primaire découvre le roman de Régent Ducharme. Voici ce qu’elle en dit :

«J’ai été immédiatement engloutie par les mots, figée sur place, incapable de le déposer. Les phrases ne s’arrêtaient jamais, elles s’enchaînais les unes aux autres sans que je puisse m’interrompre, je tentais de soutenir le rythme en retenant mon souffle, mais il me manquait, cramponnée que j’étais aux virgules pour respirer.  (…). (p. 110)

«Ce livre a renversé tout mon rapport au français (…). C’était la première fois que je découvrais dans la langue un jeu. Que j’entrevoyais la beauté d’un texte complexe sans saisir tout ce qui s’y trouvait. (…) C’est là que j’ai réellement appris que l’on peut être blessé par ceux qu’on aime, que la solitude fait partie de l’amour et que l’enfance n’est pas l’âge de l’innocence. Je comprenais qui j’étais: la démesure était salvatrice, l’absolu devenait envoûtant, le chamboulement impératif. Je pourrais peut-être restaurer une partie de la petite Caroline pâlie à travers les mots. La violence semblait enfin banale et la tristesse n’était pas nécessairement opposée à la lumière. (…) J’ai surtout compris que le français devenait ma langue. (…) Celle qui deviendrait une demeure. (…) L’avalée des avalés m’a fondée. Je suis parlée par la langue française et cela depuis Ducharme. (…).» (pp. 111-112)

Je reste sidérée par un tel impact de cet ouvrage sur une si jeune lectrice dont la langue maternelle est l’espagnol.

«Là où je me terre sonde la possibilité d’aimer et de lutter sans ne plus avoir à fuir.» (Quatrième de couverture)

Source:

DAWSON, Caroline / Là où je me terre / Les éditions du Remue ménage / Montréal / 2020 / 202 pages

Envoyer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *